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Les critiques de Bifrost

Alien : No Exit

Alien : No Exit

Brian EVENSON
LE CHERCHE-MIDI
336pp - 19,25 €

Bifrost n° 64

Critique parue en octobre 2011 dans Bifrost n° 64

De La Confrérie des mutilés à Père des mensonges, Brian Evenson a largement montré ses qualités d’auteur dérangeant. On soutiendra sans peine qu’il fait désormais partie des grandes plumes du roman contemporain anglo-saxon. Publiée fort logiquement chez « Lot49 » (collection hautement recommandable dont on s’enverrait bien l’intégralité du catalogue sans ciller), l’œuvre de cet ancien mormon (dont les démêlées avec son église sont connues — à tel point qu’il a dû renoncer à tout pour écrire) s’inscrit dans une logique critique implacable, où une violence sourde met peu à peu le lecteur mal à l’aise, malgré un humour noir assez détonnant. C’est donc avec une surprise teintée d’incrédulité qu’on découvre ce Alien, No Exit™, paru certes au Cherche Midi, mais pas dans la collection « Lot49 ». Après quelques pages, on s’aperçoit aussi que si la traductrice est restée la même, elle n’a pas dû bénéficier des services du même correcteur (ou alors saoul ?). Concordance des temps hasardeuse, structures des phrases pour le moins curieuses, on se dit que ce roman-là n’a pas forcément été considéré comme l’œuvre majeure de l’auteur. On craint même que le label Monstre-avec-des-dents n’ait quelque peu submergé les scrupules de l’éditeur, bien décidé à se faire du pognon quand même, parce que bon, y a pas de raison.

Bref, surpris, mais pas forcément consterné, le lecteur lit. Et là, oui, le lecteur est peu à peu mal à l’aise, mais pas pour les mêmes raisons. On s’attend en fait à une sorte de relecture métacritique de Alien, au sens de la conscience du monstre en tant qu’entité raisonnée dans un registre marxiste teinté de religiosité fallacieuse, bref, on s’attend à du Evenson, quoi, mais en fait, non, l’auteur aime Alien, et ça tombe bien, du Alien, il en a trois cents pages à fourguer. Bilan, une franchise. Une sorte de Star Wars™ sans intérêt, certes bien foutu, très pro, mais lamentable du début à la fin. Un machin qu’on s’attend à trouver sous le label Warhammer 40 000™, pas au Cherche Midi. L’histoire, vous y tenez vraiment ? Bon. Un chasseur d’Aliens estime être responsable du massacre de sa famille (il a tort, mais il souffre, et cette souffrance est importante, ça donne de la graisse au personnage). Comme il a du mal à s’en remettre (un peu comme Thomas Day, après avoir palpé l’à-valoir de Resident Evil™), il décide de se cryogéniser et de se réveiller dans super-longtemps, histoire d’oublier un peu. On le décryogénise, et, surprise, il se rend compte que, en fait, pour lui, c’est comme si sa famille était morte hier sous les coups de dents des monstres bien connus. Il continue à souffrir. Par désœuvrement, inconscience ou handicap mental, il accepte de jouer les experts sur une planète perdue que se disputent deux grosses multinationales très méchantes. Une attaque d’Aliens y a, paraît-il, eu lieu. Il s’y rend, découvre la mise en scène et se rend compte qu’il a mis le doigt dans… dans quoi ? Allez, dans un complot. Voilà. Jusque-là, c’est assez chiant. Heureusement, il y a une chouette scène de torture et, ah quand même, des attaques d’Aliens.

Bref, pour faire court, il faut vraiment être fan d’Alien pour aimer ce roman. Mais vraiment fan, hein, pas juste aimer le film de Ridley Scott pour son ambiance et son étrange beauté. Non non, il faut bouffer du Alien au petit déjeuner, avoir un mug Alien et boire des grandes chopes d’acide en se marrant avec les potes. Pour les autres, Alien, No Exit™ sera un peu court, au sens littéraire, s’entend.

Patrick IMBERT

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