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Les critiques de Bifrost

Aliène

Phoebe HADJIMARKOS CLARKE
EDITIONS DU SOUS-SOL
19,50 €

Critique parue en juillet 2024 dans Bifrost n° 115

De Phoebe Hadjimarkos Clarke, nous avions pu lire et apprécier son premier roman, Tabor, (cf. Bifrost 104), manière de post-apo virant peu à peu à la rêverie étrangère. Avec son deuxième roman, l’autrice se place dans un cadre plus contemporain : Fauvel, son héroïne, a perdu l’usage d’un œil après un tir de LBD lors d’une manif. La voilà maintenant au vert, au fin fond d’un recoin perdu de campagne, histoire de dépanner le père d’une de ses amies en gardant son chien, Hannah. Pas n’importe quel chien : Hannah est le clone d’une première chienne et, si elle en conserve l’apparence, elle n’en a pas hérité du caractère débonnaire. Bien vite, Fauvel se heurte à la population locale, composée en grande partie de chasseurs (vous vous souvenez du fameux sketch des Inconnus ? il y a de ça ici), et fait la connaissance de Mitch, étudiant en sociologie qui enquête sur les témoignages d’abduction extraterrestre dans le coin. Justement, il y a Julien, jeune chasseur qui affirme avoir été victime d’un tel enlèvement et qui fascine Mitch — Fauvel un peu moins. Quant à la meute de chasseurs, elle est sur les dents : une bête rôderait dans les bois et massacrerait les animaux. Les soupçons se portent sur l’agressive Hannah, mais pourrait-il s’agir d’autre chose ?

Comme avec Tabor, il convient en premier lieu de souligner l’excellence de l’écriture, tour à tour châtiée et vulgaire, parvenant à capter ce qui fait le ton d’une époque (la nôtre) avec un naturel épatant. Par bonheur, Aliène ne se contente pas d’être bien écrit ; il fascine. Tout est dans le titre. Si le roman mélange allègrement les tropes de la SF avec la littérature blanche sans se tromper dans le dosage, il est ici moins question d’une ou deux créatures bizarres que d’une étrangeté de tous les instants. Le roman questionne la distance entre humain et animal, entre animalité et bestialité. À l’image de son décor rural, Aliène se drape dans une atmosphère à la fois pesante et brumeuse, languide et tendue, et si, à la fin, quelques mystères se dissiperont, c’est ce flou permanent qui restera en mémoire. Peut-être moins aimable que Tabor, ce deuxième roman confirme tout le talent de Phoebe Hadjimarkos Clarke, et nous laisse espérer le meilleur pour la suite.

Erwann PERCHOC

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