Jean-Marc LIGNY
L'ATALANTE
512pp - 25,90 €
Critique parue en août 2020 dans Bifrost n° 99
Situé à l’époque du troisième opus de la trilogie climatique : Aqua™, Exodes et Semences, Alliances suit le destin de petits groupes tentant de survivre aux conséquences du changement climatique survenu trois siècles plus tôt. Le précédent roman s’achevait sur une note d’espoir, avec la rencontre de Tikaani et du trio Denn, Nao et Marali, à la recherche du paradis terrestre auquel ils croient dur comme fer, emmenant avec eux quelques fourmites servant de guides, grâce au lien télépathique que Nao a établi avec elles. Ces insectes intelligents qu’on trouve désormais un peu partout, fruits d’un croisement de fourmis et de termites réalisé par génie génétique, ont en effet développé cette forme de communication avec les rares humains réceptifs.
L’action se déroule cette fois quelques décennies plus tôt, dans la communauté islandaise troglodyte de Tikaani, encore adolescent. il aide un vieil obstiné, Vinda, à restaurer un avion solaire pour voler en direction du Groenland en quête de poches de survie. Au Canada, d’autres rescapés tentent de remettre en fonction des vestiges de technologie hautement plus dangereux, à savoir une centrale nucléaire. Non loin de là, solitaire dans la jungle et fuyant désormais les hommes, Ophélie s’accommode de la présence amicale d’une mygale et d’un anaconda qui tiennent à distance alligators et insectes prédateurs. Elle recueille et soigne le jeune Natsume avant qu’il ne poursuive sa route. Tout ce petit monde se croise, se perd et se retrouve au fil d’une intrigue étalée sur plus de vingt ans.
Le lien avec le précédent opus est établi lorsque Denn, Nao et Marali font la connaissance de Tikaani et des chiens qu’il a apprivoisés. Reproduite à l’identique, cette section se poursuit avec l’acclimatation des jeunes gens dans la communauté qui a passé un pacte avec les fourmites : en échange de nourriture et de soins, celles-ci concèdent leurs cadavres riches en protéines. Mais le nid implanté au Groenland se révèle bien plus agressif et intolérant envers l’homme. Est-ce une guerre entre deux espèces qui se profile ?
Les différentes éléments s’agencent parfaitement pour donner son unité au roman, fermer les dernières portes laissées ouvertes et mettre en perspective le propos de ce qui reste une trilogie. En effet, ce quatrième opus doit davantage être considéré comme un diptyque du troisième tome auquel il est temporellement rattaché que comme le dernier élément d’une tétralogie.
Alliances porte bien son nom : partout l’accent est mis sur une possible entente entre l’homme et l’animal : les chiens de Tikaani, la faune au milieu de laquelle vit Ophélie, sont autant d’exemples basés sur des formes particulières de communication. Celle avec les fourmites, qui semblent développer des capacités encore plus extraordinaires, prend des contours plus fantastiques que science-fictionnels, mais témoignent de la même nécessité pour l’humain de cesser de se situer hors de la nature et d’agir en opposition à elle. Ici, les animaux apparaissent comme de véritables acteurs et pas seulement comme la manifestation d’une nature ayant repris ses droits. Jean-Marc Ligny en donne encore pour preuve les remerciements d’usage en fin de volume, adressés aux animaux de la campagne qui ont soutenu son inspiration durant la rédaction.
Désormais considéré comme le maître francophone de la climate fiction en raison de la constance de son engagement et d’une documentation ayant mobilisé nombre de chercheurs, Jean-Marc Ligny signe ici un roman militant plus que nécessaire en cette époque où l’on constate comme jamais l’impact sur nos sociétés de la nature malmenée.