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Les critiques de Bifrost

Almuric

Almuric

Robert E. HOWARD
BRAGELONNE
432pp - 25,00 €

Bifrost n° 81

Critique parue en janvier 2016 dans Bifrost n° 81

Ce volume n’est pas le meilleur des douze publiés chez Bragelonne sous l’égide de Patrice Louinet – ne serait-ce que du fait de la présence dans ses pages du roman éponyme, le premier que Howard se soit essayé à écrire, un texte qui ne donna pas satisfaction à son auteur, au point qu’il l’abandonna inachevé, et qui n’avait donc pas vocation à être publié, on le comprend aisément à la lecture. Le travail du biographe permet de dater ce texte de février 1934 et de lui donner sa vraie place au sein du corpus howardien. Patrice Louinet y voit une application littéraire du débat Howard/Lovecraft sur l’opposition entre physique et intellect, opposition que l’on retrouvera dans nombre de textes et où les deux auteurs peuvent transparaître derrière les personnages.

Le roman dont la fin est d’une plume autre que celle de Howard est suivi de cent soixante pages de nouvelles d’inspiration fantastique autour du thème de la réincarnation. « Le Jardin de la peur » met en scène James Allison, un héros inspiré par Le Vagabond des étoiles de Jack London, qui se souvient de ses existences antérieures. On le retrouvera dans plusieurs fragments en appendice. « La Voix d’El-lil » est un texte qui fut publié dans Oriental Stories, un pulp dirigé par Farnsworth Wright spécialisé dans les aventures situées dans ces contrées alors fort mystérieuses pour le grand public. Suit « La Hyène », texte de jeunesse d’un Howard âgé de dix-huit ans manquant encore de maîtrise. Viennent ensuite quelques récits d’un moindre intérêt : « Une sonnerie de trompette », qui fut écrit en collaboration ; « Le Cobra du rêve », une réécriture d’une autre nouvelle ; deux histoires de fantômes : « Le Fantôme sur le seuil » et « Le Fléau de Dermod ». Dans un court texte intitulé « Delenda est », Howard manifeste sa haine de Rome, l’incarnation de la civilisation opposée aux barbares. « La Vallée perdue » est un western fantastique qui, en dépit de ses qualités, ne trouva pas à être publié à l’époque. Enfin, la dernière nouvelle, « Le Roi du peuple oublié », s’avère particulièrement intéressante en ce qu’elle figure ce qu’Howard écrira de plus proche de la science-fiction – un récit destiné à Astounding.

L’ouvrage se termine par une centaine de pages d’appendices, dont les quatre fragments consacrés à James Allison, du Cavalier-Tonnnerre et de Nekht Semerkeht, un récit inachevé qui semble bien avoir été interrompu par le suicide de Howard. Un ultime essai de Patrice Louinet, « To live is to die », dans lequel il revient une dernière fois sur l’œuvre du Texan à travers les textes qui sont ici proposés, conclut l’ensemble.

On ne pourra que louer Patrice Louinet et Bragelonne pour la qualité de l’énorme travail (douze volumes, six mille pages quasi intégralement retraduites) fourni afin de mettre à la disposition des lecteurs une édition qui se veut définitive des œuvres de « Two-Gun Bob », qu’il s’agissait avant tout d’expurger des scories laissées par Lin Carter et Sprague de Camp. À qui ne voudrait pas lire cette somme somptueuse, on conseillera Conan – Les Clous Rouges et Le Seigneur de Samarcande, ou encore le seul Conan, volume de poche chez Milady, qui présente une sélection soignée des aventures du Cimmérien, plutôt que cet Almuric contenant l’ultime reliquat de ce qui méritait malgré tout d’être publié – dans les genres qui nous occupent, tout du moins…

Jean-Pierre LION

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