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Les critiques de Bifrost

Âmes perdues

Poppy Z. BRITE
FOLIO
496pp - 11,00 €

Critique parue en octobre 2010 dans Bifrost n° 60

Loin de l’image donnée (entre autres) par Bram Stoker, les vampires d’Ames Perdues, le premier roman de Poppy Z. Brite, sont plus proches des punks de Lost Boys que de dandys raffinés.

L’histoire a pour cadre la Nouvelle-Orléans, ville natale de l’auteur, et suit les trajectoires de plusieurs personnages dont le seul point commun est la part d’ombre que contient leur âme. Et parmi eux Nothing, jeune adolescent adopté complètement inadapté au monde dans lequel il évolue. Fasciné par la musique gothique et le décorum morbide qui l’accompagne, il décide un jour de quitter ses parents pour rencontrer les Lost Souls, groupe obscur de la Nouvelle-Orléans dont il se repasse les chansons en boucle depuis des mois.

En chemin, il est recueilli par trois routards qui parcourent le pays dans leur van : Zillah, Molochai et Twig. Nothing se sent enfin accepté et se fait de ces trois marginaux une famille, des marginaux qui se révèleront vite être des vampires et lui prendront la main pour le faire pénétrer dans leur monde.

Au bout de la route, la Nouvelle-Orléans, où Nothing fera enfin la connaissance des Lost Souls, dont Ghost, lui aussi adolescent « à part », initié par Miz Catlin (une sorcière amie de sa défunte grand-mère) qui lui a appris à accepter ses pouvoirs de vision et à lire dans les esprits.

La rencontre de ces personnages, dans l’ambiance moite et étrange du vieux quartier français de la Nouvelle-Orléans, donnera lieu à une odyssée de sang, de souffrance et d’amour, dans la grande tradition de la littérature vampirique.

Ce premier roman a marqué les esprits lors de sa sortie. On l’aura compris, Poppy Z. Brite y présente des vampires modernes, des marginaux, certes, mais en rien hors du temps. Le sang, le sexe, la drogue, la sorcellerie sont omniprésents tout au long de l’œuvre, autant de composants magnifiés par l’ambiance de la Louisiane, que l’auteur arrive à faire affleurer à chaque page.

Mais au-delà de la violence et des errances des personnages, on retrouve au centre de l’intrigue un sentiment : l’amour. L’amour de Ghost pour Steve, l’autre membre des Lost Souls, qui assiste impuissant à la lente autodestruction de son ami, la seule personne qui compte à ses yeux. L’amour de Nothing pour Ghost, qui a su faire vibrer son cœur grâce à sa musique, même si lors de leur rencontre ils semblent destinés à s’affronter. Et surtout l’amour ambigu de Nothing pour sa nouvelle famille, amour qui se heurte à la violence et au nihilisme de ses « parents ».

A l’heure ou les livres de vampires « nouvelle génération » battent des records de vente, au sein de la noria de films et séries qui en découlent, il est bon de se pencher sur un livre qui a ouvert la voie et qui, par sa sauvagerie et son ambiance suintante, supplante une grande partie de la production actuelle.

Christophe FALGAYRAS

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