En attendant la publication prochaine de son tout dernier texte, les lecteurs impatients peuvent se procurer Amours en marge chez Actes Sud, premier vrai roman de Yoko Ogawa, japonaise aussi décalée qu’importante dans la littérature de l’imaginaire.
Hélas, si le récent recueil Tristes revanches relevait du chef-d’œuvre, force est de constater qu’Amours en marge n’est qu’un roman passable, voire médiocre. Eternelle variation autour de la rupture et de ses conséquences (des conséquences d’ailleurs plus graves, car socialement marquées au Japon), l’histoire ne parvient jamais à réellement intéresser le lecteur. Le talent de Yoko Ogawa n’est pourtant pas à remettre en cause, tant sa narration est fluide, sans heurt, douce, en contradiction totale avec la violence des sentiments (et cette sensation de désastre imminent) qui caractérise une écriture bien souvent douloureuse. Impeccablement mis en scène, Amours en marge est tout simplement trop long. La nouvelle s’imposait d’elle-même, un exercice qu’Ogawa maîtrise d’ailleurs à merveille. Il faut donc venir à bout des quelques 180 pages poussives qui ennuient peu à peu, la lecture sombrant elle aussi dans la léthargie progressive de l’héroïne, récemment abandonnée par un mari volage. Quelques paragraphes sublimes jaillissent au détour des situations les plus banales, comme la relation délicieusement ambiguë entre la femme et son neveu, mais rien qui puisse réellement sauver l’histoire du naufrage. La bizarrerie est encore de mise, notamment grâce à la présence onirique ou réelle (au lecteur d’en décider, ce qui ne fait de mal à personne) du sténographe, personnage masculin dont la sexualité et la sensualité (le texte est remarquable de pudeur, à tous les niveaux) passent au travers du stylo plume. À la lisière du rêve, du fantastique et du quotidien le plus prosaïque, Amours en marge est avant tout un récit psychanalytique. Histoire d’une rupture, mais également d’une guérison, Ogawa en devient finalement presque optimiste. Un roman déroutant et simple, à réserver aux inconditionnels. Les curieux s’orienteront sur l’exceptionnel Tristes revanches, recueil dont on ne dira jamais assez de bien.