Il y a quelque chose de rassurant à savoir que Greg Egan est humain. Donc faillible, capable du meilleur comme du… moins bon. De l’aveu même de l’auteur, la parution de ce tout premier roman ne lui a pas vraiment rendu service, et si Egan ne renie pas ce texte, il en fait toutefois peu de cas : An Unusual Angle n’a donc jamais été réédité (même si, en cherchant bien sur le web…).
L’angle inhabituel du titre, c’est celui par lequel le protagoniste du roman voit les choses. De fait, ce jeune homme est équipé d’une bio-caméra à l’intérieur du crâne. Impossible pour lui toutefois de montrer ses films, puisqu’il n’a pas le matériel nécessaire pour les transférer sur support physique. Individu dépassionné, peu sympathique, solitaire et méprisant, le narrateur nourrit toutefois un intérêt marqué pour le cinéma. On suit ainsi son parcours, au fil des quatre années qu’il passe à la Fenkirk School, dont l’hymne ponctue le roman à la manière d’un mantra.
Le choix même du sujet et du protagoniste montre qu’Egan, alors âgé de 22 ans, a publié ce récit au sortir de sa scolarité. Intrigue mollassonne se laissant porter par les saisons, écriture encore pleine de tics adolescents, humour pataud (citer les Monty Python n’est pas garant d’une bonne blague), il est dur de reconnaître dans ce roman celui qui sera qualifié par la suite de pape de la hard SF, même si certains passages laissent deviner de quel bois notre auteur sera fait. À l’automne 1983, Egan publiera dans une anthologie australienne sa première nouvelle, « Artifact », qui relève de la SF et indique davantage la direction que le jeune écrivain suivra. Mieux vaut oublier ce péché de jeunesse et considérer Isolation comme le premier véritable roman de la bibliographie d’Egan.