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Les critiques de Bifrost

Anatomik

Serge BRUSSOLO
BRAGELONNE
16,90 €

Critique parue en mai 2020 dans Bifrost n° 98

XXIIe siècle. Les États-Unis d’Amérique se sont trouvé un adversaire à la hauteur. Peut-être même un peu trop fort. Tous les Cartels se sont associés et ont mis en commun leurs moyens, phénoménaux, dans la lutte contre leur voisin déclinant. Résultat : un massacre. La débâcle est totale, et les cadavres se chiffrent en centaines de milliers. Pour couronner le tout, les vainqueurs exigent des vaincus qu’ils ouvrent leurs frontières aux drogues, transformant ce pays si fier en une nation de junkies incapables d’émerger. Et comme si cela ne suffisait pas, des orages étranges et localisés touchent les cimetières et font revivre les morts. Pas de zombies, non, mais des ectoplasmes en quête d’un corps pour se réincarner. De quoi provoquer un joyeux bordel ! Au milieu duquel se trouve Chuck Ozzborn, ancien soldat à la retraite. Rejoint par sa fille, Willa, et par un ectoplasme espion, Kurt Angström, il va tenter de découvrir ce qui se cache derrière ces résurrections et cette gigantesque barrière de feu entourant le mont Tamatok.

Près de quarante ans que Serge Brussolo nous régale de ses histoires dans nos mauvais genres favoris, polars comme SF et fantastique, pour adultes et plus jeunes. Près de quarante ans à nous enchanter, nous effrayer, à tordre les mondes, à triturer et déformer les corps. Impressionnante carrière que ne dépare pas Anatomik. Dans ce roman au style alerte, on retrouve les thèmes favoris de l’auteur : les sociétés actuelles tombées en déliquescence, tendance post-cataclysmique ou post-apocalyptique ; les dérives et abus qui en découlent, l’être humain étant abandonné, sans filtre mais aussi sans protection ; le corps si fragile, objet de mutations parfois cauchemardesques, extrêmes comme dans Les Lutteurs immobiles (et l’on pense également à Jacques Barbéri, autre malaxeur de chair) ; les extraterrestres à l’apparence si différente de la nôtre, au comportement souvent sauvage et brutal ; la puissance de religions sectaires, obsession présente dès les premiers récits, et leur prise de pouvoir injuste et meurtrière. Sans oublier les ectoplasmes et autres revenants – déjà là dans le mémorable Procédure d’évacuation immédiate des musées fantômes, par exemple.

Et c’est avec la maestria et l’expérience qu’on lui connaît que Serge Brussolo associe tous ces thèmes dans un récit sans temps mort, un brin décousu, parfois, et aux développements inattendus au premier abord, mais efficace en diable. Il flotte comme un parfum de Fleuve Noir « Anticipation » sur ce roman, mais un Fleuve Noir abouti, épais. De quoi éveiller un brin de nostalgie dans l’esprit de pas mal d’anciens lecteurs, mais aussi de donner envie aux plus jeunes de découvrir les titres récents (dont la trilogie chez Folio « SF ») aussi bien que les grands classiques de cet écrivain précieux.

Raphaël GAUDIN

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