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Les critiques de Bifrost

Apex

Ramez NAAM
PRESSES DE LA CITÉ
750pp - 24,00 €

Critique parue en juillet 2017 dans Bifrost n° 87

Apex clôt la trilogie posthumaniste entamée avec Nexus et poursuivie avec Crux. Le premier constat tient à la taille de l’ouvrage : il est tout bonnement énorme – près de 800 pages. Le deuxième tome, qui en faisait 630, était déjà assez boursouflé? ; on comprend combien le dernier né ne corrige pas le tir, loin s’en faut. Heureusement, l’ensemble est découpé en courts chapitres et le style de Ramez Naam ne manque pas de rythme, ce qui confère à cet énorme pavé une lisibilité plaisante (sans doute la qualité de la traduction, signée Jean-Daniel Brèque, y est-elle pour quelque chose).

Au niveau de l’intrigue, on retrouve les choses où on les a laissées à la fin de Crux. Le Nexus, la drogue qui augmente les capacités cognitives et télépathiques des êtres humains, s’est répandue, provoquant des réactions diverses, allant du rejet pur et simple de la part des conservateurs (dont le président des États-Unis) à l’acceptation sans retenue de toute une frange de la population. Toutefois, même au sein de celle-ci, le paysage est varié. Il y a les partisans de la méthode douce, qui, comme Kade, l’inventeur du Nexus, essaient de convaincre les gens de la plus-value apportée par sa création. Il y a les adeptes de la manière forte, à commencer par Su-Yong Shu, la scientifique qui n’existe plus que sous forme d’une IA démente convaincue que détruire le monde est le seul moyen d’en recréer un où les posthumains auront leur place, une volonté qu’elle s’applique à mettre en œuvre via sa surpuissance informatique. Et puis, quelque part entre les deux, il y a Breece, partisan du Front de Libération Post-humain, qui s’entête dans la provocation terroriste et risque fort d’obtenir des effets inverses à ceux escomptés sur la population… Un climat d’émeutes, en somme, au sein duquel les différents points de vue vont s’opposer, avec pour ambition commune d’entrer dans l’Âge du transhumanisme.

Depuis le premier tome, cette trilogie a sensiblement évolué d’une extrapolation scientifique vers un propos philosophique et politique. Même si la science et la technologie sont encore présentes dans Apex (à travers notamment la description des réseaux informatiques), elles deviennent secondaires par rapport aux réflexions sur le futur de l’humanité. On le sait depuis le début, Ramez Naam est un défenseur du posthumanisme. Pas utopiste pour autant, il a conscience que tout ne se fera pas sans heurts, qu’il existera des personnes qui instrumentaliseront ce qu’il considère comme le progrès. Mais l’auteur est intimement convaincu que cette ère transhumaine finira par advenir, et on ne saurait lui donner tort, tant l’évolution de la société depuis l’arrivée des réseaux sociaux et outils connectés en tout genre semble en constituer le premier palier. L’issue de la trilogie ne faisait donc aucun doute, et Apex ne surprendra guère sur ce point-là. Finalement, c’est bien le principal défaut de cette trilogie : après un premier tome véritablement excitant par tout ce qu’il laissait entrevoir, les deuxième et troisième se contentent de suivre la piste toute tracée à défaut de chemins de traverse susceptibles de déstabiliser le lecteur ou de démultiplier les effets de Nexus. Entendons-nous bien : ça ne fait pas d’Apex un mauvais roman. Comme ses prédécesseurs, c’est un page-turner efficace (bien qu’un peu trop délayé, on l’a dit) et intelligent, peuplé de personnages d’intérêt variable mais globalement bien travaillés car personnifiant les différents courants de pensée. La trilogie s’inscrit donc comme une des bonnes surprises de ces dernières années, et Apex la conclut solidement. On attendra donc le prochain roman de Ramez Naam avec impatience, en espérant qu’il réussisse à condenser ses idées tout en conservant intacte l’énergie débordante dont il fait montre dans la trilogie « Nexus ».

Bruno PARA

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