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Les critiques de Bifrost

Après

Stephen KING
LIVRE DE POCHE
352pp - 8,90 €

Critique parue en avril 2022 dans Bifrost n° 106

Quelques mois seulement après la sortie du recueil de nouvelles Si ça saigne (cf. Bifrost n° 103), l’inépuisable (et pourtant plus que septuagénaire) Stephen King réapparaît en librairie avec cette fois-ci le romanesque Après. « Après quoi ? » pourront être tentés de se demander les moins au fait de l’auteur de Ça. Quant à ses fidèles, sans doute s’empresseront-ils de s’imaginer que l’après dont il est ici question se situe quelque part au-delà du dernier souffle. Supposition des plus justes puisqu’avec ce nouveau roman, Stephen King revient à l’un de ses motifs fétiches : celui des spectres et des liens qu’entretiennent avec eux certains des vivants. Jamie Conklin, narrateur et protagoniste d’Après, s’inscrit en effet dans la longue lignée des médiums kinguiens capables d’entrer en contact avec les défunts. Ce que révèle Jamie au début d’un texte prenant la forme d’un autobiographique retour sur ses enfance et adolescence : « Alors oui, je peux voir les morts. D’aussi loin que je me souvienne, il en a toujours été ainsi. » Un don auquel s’ajoute encore celui de pouvoir communiquer avec les défunts, puisqu’Après nous dévoile que les morts parlent, contrairement à ce qu’affirme l’adage mafieux.

De criminels, il est d’ailleurs question dans Après, un livre témoignant à nouveau de l’appétence de Stephen King pour le polar. Un genre qui ne réussit certes pas toujours à l’auteur, comme le prouvent sa catarrheuse trilogie « Mr. Mercedes » et le pareillement poussif récit « Si ça saigne ». Mais il est parfois arrivé à Stephen King de marier avec plus de bonheur sa mythologie fantastique à celle du roman noir. Il en alla ainsi de L’Outsider (cf. Bifrost n° 95). Et tel est heureusement le cas d’Après, dont les éléments inspirés des annales policières — s’y dessine notamment la silhouette d’Unabomber – sont heureusement relus à l’aune du surnaturel. Puisque Jamie aura plus d’une fois l’occasion d’user de ses talents de voyant lors d’affaires criminelles, dont on ne dira rien de plus, histoire de ne pas divulgâcher…

Séduisant, Après l’est d’autant plus que Stephen King y écrit d’attachante manière à la fois une nouvelle page de sa comédie humaine et de son histoire personnelle des États-Unis. Cette confession de Jamie oscillant entre l’extraordinaire et le banal compose ainsi un véritable récit d’initiation. Que celle-ci consiste en la confrontation avec un Mal absolu tapi de l’autre côté de la mort, ou bien en la découverte finale d’un secret de famille pas moins troublant à sa prosaïque manière… De cette énigme in fine percée on ne dira rien, si ce n’est qu’elle trahit un dérèglement familial faisant écho à ceux affectant collectivement les États-Unis. À l’instar de la crise de 2008 qui pèse sur les personnages d’Après à la façon d’un fatum moderne.

Certes moins spectaculaire que les fresques qu’étaient Sleeping Beauties (cf. Bifrost n° 91) et L’Institut (cf. Bifrost n° 99), Après s’inscrit à son intimiste manière parmi les récentes réussites du maître de Bangor. Espérons qu’il en ira ainsi de son prochain opus VO, Fairy Tale (on devrait lire ici, entre-temps, Billy Summers), dont la sortie est d’ores et déjà annoncée en septembre 2022. N’écrivait-on pas au début de cette chronique que Stephen King est infatigable ?

Pierre CHARREL

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