Novella récompensée à la fois par le prix Locus et le Nebula, le titre original d’Après la chute ( After the Fall, Before the Fall, During the Fall) est plus révélateur de sa trame tripartite. On a en effet affaire à trois fils distincts : en 2035, Pete est un adolescent malformé qui, à partir d’une Terre en ruines, plonge dans le temps pour y rapporter des enfants dans l’Abri où il vit avec quelques personnes ayant échappé au désastre. En 2013, Julie, experte en schémas mathématiques au FBI, prédit que de nouveaux enlèvements d’enfants vont se produire, et enquête. Enfin, de minces entrefilets nous présentent une Nature qui, en 2014, se dégrade peu à peu.
La trame est donc résumée ci-dessus. On s’attend alors à ce que la novella déploie cette thématique initiale… et force est de constater qu’il n’en est rien. Certes, Pete va évoluer, mais surtout dans son rapport érotique à McAllister, la Survivante qui gère l’Abri. Certes, Julie va peu à peu récolter le faisceau de preuves qui la conduira toujours plus près des kidnappings. Mais tout cela se fait mollement, sans grand enjeu dramatique – alors qu’on parle de rien de moins que la destruction de la Terre ! Les personnages sont convenus, peu plausibles dans leurs agissements, on ne comprend guère où veut en venir Nancy Kress qui semble hésiter à entremêler les fils de l’intrigue. Les Tesslies, les fameux extraterrestres qui ont causé l’apocalypse tout en préservant quelques humains, sont tellement peu évoqués qu’on en vient à leur être totalement indifférent. En outre, il y va de la crédibilité de l’intrigue, puisqu’il ne se passe que vingt ans entre la catastrophe et les scènes dans l’Abri ; il est de fait impossible que les Survivants sachent si peu de choses…
Alors, bien sûr, tout n’est pas aussi simple qu’il y paraît, il y a bien quelques révélations dans la dernière partie du récit qui remettent en perspective ce qu’on a lu auparavant, mais cela ne pourra racheter le profond désintérêt que l’on porte aux développements précédents… d’autant que le postulat qui sous-tend lesdites révélations est d’une naïveté confondante que n’aurait pas reniée un Bernard Werber. Prix Locus ? Nebula ? Comment un texte aussi faible a-t-il pu glaner ces récompenses ? Voilà qui reste un grand mystère, aussi grand, sans doute, que ces Tesslies, qui occuperont donc dans l’œuvre de Nancy Kress un rang extrêmement mineur. À oublier.