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Les critiques de Bifrost

Après le monde

Après le monde

Antoinette RYCHNER
BUCHET-CHASTEL
18,00 €

Bifrost n° 98

Critique parue en mai 2020 dans Bifrost n° 98

« Un roman coup de poing qui laisse un goût de caresse », déclare le collapsologue Pablo Servigne sur le bandeau ornant ce roman de l’autrice suisse Antoinette Rychner. Pour notre part, si on continue à s’interroger sur le goût précis que peut avoir une caresse, on retiendra surtout l’arrière-goût cendreux-boueux que laisse Après le monde, qui a tout l’air d’être l’involontaire préquelle du Plop de Rafael Pinedo, modèle d’âpreté post-apo’.

Bienvenue dans les années 2030. L’effondrement civilisationnel a eu lieu, et plus tôt qu’on ne le craignait : dès l’automne 2022 – autant dire demain. Un cyclone ravage la côte Ouest des USA, plongeant la première puissance mondiale dans une crise financière dont elle ne se relève pas. Et comme il se doit, le reste du monde subit la crise en un bel effet domino. 2024 : c’est plié, on peut dire adieu à l’eau courante, l’électricité, les soins, les transports, la nourriture à portée de main, l’internet. Les gens se dispersent ou se regroupent, s’essaient à d’autres modèles de société — les uns règnent par la peur et la haine de son prochain, d’autres par l’égalité et l’inclusion.

De retour d’un séjour de plusieurs années en Roumanie, Christelle et Olivier, leur fille et une amie, Barbara, reviennent en Suisse, là où elles ont vécu avant. Elles, oui, car Barbara et Christelle ont élaboré une manière particulière de chant, pour se souvenir, et ont pour coquetterie d’employer par défaut le féminin pluriel dans leur récit. Après le monde va raconter leur périple dans ce monde post-effondrement, au travers du regard des autres femmes qu’elles vont croiser : une histoire en creux, dépeignant une mosaïque d’expériences, fondées sur la résilience ou la nostalgie, la reconstruction et la tendance inhérente à l’humain de tout détruire. Alternant entre « chants de témoignage » et récits de ce futur tout proche, le roman nous dépeint un monde affreusement crédible ; l’espoir reste là, mais les choses sont devenues singulièrement compliquées – surtout que l’effondrement soudain n’a pas retardé les délétères effets du réchauffement climatique. Le dernier quart du roman nous projette vers 2050, dans un environnement nettement plus hostile. Le pire est à venir — mais ce n’est pas comme si nous, lecteurs, lectrices, n’étions pas déjà au courant.

Alors, pourquoi lire Après le monde, qui dépeint avec une acuité effrayante ce qui nous attend probablement ? Parce que le roman est remarquablement écrit et que l’autrice suisse propose d’intéressantes perspectives ? Parce qu’on aime bien se faire peur, aussi ?

Erwann PERCHOC

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