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Les critiques de Bifrost

Arca

Romain BENASSAYA
CRITIC
450pp - 22,00 €

Critique parue en octobre 2016 dans Bifrost n° 84

Des histoires d’arches stellaires, on en a lu des milles et des cents : « Le Navire-Étoile »de E.C. Tubb ; Tau Zéro de Poul Anderson ; Le Papillon des étoiles de Bernard Werber ; L’Incroyable odyssée de Guy Charmasson ; Croisière sans escale de Brian W. Aldiss ; La Ballade de Bêta 2 de Samuel R. Delany, ou encore L’Univers captif de Harry Harrison. Et bien d’autres encore, du meilleur au pire. Romain Benassaya pouvait-il encore ajouter une pierre à l’édifice ? Il s’y est essayé. De là à dire qu’il a renouvelé le thème pour son premier roman, il y a une douve…

Le contexte nous propose une Terre moribonde, une société à bout de souffle qui brûle la chandelle par les deux bouts, s’évertuant à terraformer Mars en y déportant massivement et en vain sa jeunesse par l’entremise de compagnies aussi avides que rivales. C’est dans ce contexte que Sorany Desvoeux, en mission sur un satellite de Saturne, y découvre autant qu’elle est choisie par lui l’artefact d’Encelade qui va offrir à l’humanité agonisante la perspective de coloniser une planète extrasolaire et, au-delà, celle d’une expansion galactique.

Dans la première partie d’exposition – la plus pénible –, alternent les chapitres à bord d’Arca, à l’approche du seuil – le franchissement de la vitesse de la lumière – alors que des tensions se font jour, et des chapitres situés dix ans plus tôt, quand Sorany Desvoeux découvre l’artefact. Durant la deuxième partie, l’intrigue se noue à bord tandis que les tensions s’exacerbent et que se manifeste le dernier élément à apparaître. On découvre aussi, encore en chapitres alternés, le passé de Frank Fervent, le deuxième rôle, et à travers lui ce qui se passe sur Mars. Dans l’ultime partie, les différentes pièces du puzzle achèveront de se mettre en place en vue de la conclusion tandis que l’on retrouvera Sorany Desvoeux dans une situation conférant à Arca un air de remake littéraire d’Interstellar. Même si déjà vu, cet aspect est plutôt du côté de ce qui est réussi dans ce roman.

Arca est donc une arche stellaire qui va franchir le mur de la lumière mais n’en subira pas moins des effets relativistes. L’auteur ne semble pas bien maîtriser cet aspect et, du coup, ne fait pas le choix qui s’impose – n’écrit pas Tau Zéro qui veut ! Les passagers, au nombre de trois mille six cents, ont été judicieusement choisis… par Bernard Werber ? Parce qu’à peine parti, les voilà se convertissant en masse à la nouvelle religion d’Enlil, technologie aidant, et déjà pris d’une furieuse envie de se foutre sur la gueule. On flirte là avec Le Papillon des étoiles (ce qui n’est pas un compliment, pour faire dans l’euphémisme). Le livre donne l’impression que les passagers sont beaucoup plus nombreux que le chiffre annoncé, à savoir, en somme, la population d’un gros village isolé où tout le monde ne devrait pas tarder à se connaître, au moins de vue… Ce qui n’est pas le cas, même du flic ! Nulle différence non plus entre équipage, passagers, futurs colons, qui a un rôle à bord et en aura un autre à l’arrivée, etc.

Bref, un premier roman qui souffre de gros défauts… mais qui y survit malgré tout. Non sans mal, certes, mais tout de même, jusqu’à mieux finir qu’il n’avait commencé. L’éditeur aurait dû faire remettre ce roman sur le métier, encore et encore… Peut-être cela a-t-il été fait, mais insuffisamment. Un éditeur plus exigeant aurait-il d’emblée refusé Arca ? Nul doute que ce livre aurait beaucoup gagné à davantage de direction d’ouvrage. Pour un coup d’essai, ce n’est pas un coup de maître. Il faudra revoir Romain Benassaya.

Jean-Pierre LION

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