Ce nouveau roman en fix-up de Pierre Stolze — auteur que les lecteurs de Bifrost connaissent par la rubrique qu’il anima au sein de nos colonnes pendant de nombreuses années —, ne se raccroche à l’Imaginaire que par la bande ; quelques touches de fantastique infernal qui n’apportent pas grand-chose au livre, passionnant par ailleurs. C’est avant tout un roman historique où l’on suit sur vingt ans, de 1239 à 1269, les pérégrinations du chevalier teutonique Gottfried Von Flackenstein à travers tout l’ancien monde. On le croise une première fois à Castel Del Monte auprès de l’empereur germanique Frédéric II de Hauenstaufen, pour qui il se fera diplomate et observateur. En 1242, on rencontre son frère Hermann dans la Constantinople ravagée par les Croisades pour le suivre dans la Bulgarie de l’hérésie Bogomile (proche des Cathares) où il finira par se faire occire non sans avoir préalablement affronté et échappé aux Quatre Cavaliers de l’Apocalypse pour la première plus importante irruption du fantastique. Ce chapitre est paru indépendamment dans le recueil Intrusions (Éditions de l’Aurore, 1990) sous le titre « Les Chevaliers-Chiens ». On retrouve Gottfried au Caire où il rencontre pour la première fois Baïbars l’Arbalétrier, ancien esclave et futur sultan. Un lustre plus tard, le voilà en l’abbaye de Cluny auprès de Louis IX, (futur Saint-Louis) et de sa mère Blanche de Castille lorsqu’il rencontre le pape Innocent IV. Il suivra quelques années plus tard le roi de France dans sa désastreuse croisade jusqu’à Damiette dans le delta du Nil où Baïbars défera les Français. En 1250, le Teutonique est à nouveau dans les Pouilles pour la mort de Frédéric II. Quelques années passent encore et Von Flackenstein est à Saint Jean d’Acre en Terre Sainte, d’où il accompagne une ambassade auprès du Sheik El Djebel, le Vieux de la Montagne, chef de la redoutable secte des Ismaéliens, dites des Assassins (Hachichins) dans leur citadelle d’El Kahf. Passage des plus érudits qui nous offrira en prime quelque fantastique onirique ou psychédélique. De là, en compagnie du roi d’Arménie, il ralliera Karakorum, la capitale mongole des descendants de Gengis Khan pour y nouer une alliance entre chrétiens et Mongols contre les Musulmans. Retour en Syrie avec les hordes des steppes triomphantes mais le 3 septembre 1260, à Ain Jalud, aujourd’hui en Palestine, les Mameluk étrient sévèrement les Mongols donnant un coup d’arrêt définitif à leur expansion vers l’Ouest. Si la bataille revêt une grande importance historique, militairement, elle n’opposa que peu ou prou 30 000 soldats.
(Notons qu’Ain Jalud est à environ 50 km au sud de Mégido, aujourd’hui en Israël, site d’où proviendrait le mot « Armageddon » où eurent lieu trois autres batailles. Au XVème siècle avJ-C entre les forces égyptiennes du pharaon Thoutmosis III contre des Cananéens (locaux), en 609 avJ-C (selon la Bible) où le roi Josias (premier souverain historique d’après la Bible, selon certains) fut défait et tué par le pharaon Nékao II, et, en 1918, une bataille y opposa vainqueurs britanniques aux vaincus Ottomans et leurs alliés respectifs.)
Il est bien difficile de donner une idée de la profusion de détails et d’informations qu’offre le livre de Pierre Stolze. Si le roman est sommes toutes assez court, il est dense et foisonne d’une rare richesse de vocabulaire, des mots que non seulement on n’emploie pas mais que l’on ignore même. Armageddon 1260 n’est pas de ces livres que l’on lit en vain Si vous n’êtes qu’un thuriféraire du gore ou un afficionado du pur space opera vous pouvez sans peine faire l’impasse sur cet ouvrage. Mais si l’histoire vous intéressez un tant soit peu à l’histoire ou si vous avez franc goût pour l’érudition, il vous faut ce livre et il vous faut le lire. Le fantastique ne vous y gênera nullement mais il ne faut pas le lire pour ce seul aspect.