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Les critiques de Bifrost

Astronef aux enchères

Astronef aux enchères

Nicolas BOUCHARD
FLEUVE NOIR

Bifrost n° 14

Critique parue en juillet 1999 dans Bifrost n° 14

Pour une astroïdienne, Rachel Fahrmer est physiquement plutôt hors-normes. Petite, toute en rondeurs et couverte de taches de rousseurs : elle pourrait presque passer pour une terrienne ! Ce qui, on en conviendra, est un lourd handicap dans les stations de la Ceinture, où tout ce qui évoque la Terre est considéré avec une franche suspicion. Ce qui n'a pas empêché Rachel de se hisser à la tête d'un des cabinets d'huissier les plus prospères de l'astéroïde Goldschmidt. Car en effet, côté business, la petite en connait un rayon et s'en tire haut la main. Enfin s'en tirait haut la main jusqu'à ce que son dernier client se fasse assassiner, qu'elle se trouve subitement accusée du meurtre dudit client, perde à peu près tous ses droits ainsi que sa fortune, soit recherchée par les forces de l'ordre et se trouve plongée jusqu'au cou dans une affaire de rébellion et d'espionnage, le tout en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire…

Nicolas Bouchard, un nom qui n'est pas inconnu des lecteurs de Bifrost (cf. sa nouvelle « Escapade Théologique » in Bifrost 12), appartient à cette nouvelle vague d'écrivains de science-fiction qu'on désespérait de voir arriver et qui pourtant, ces derniers mois, semble enfin prendre réellement corps et gagner audience auprès des grands éditeurs parisiens. Auteur d'un premier roman fort correct, Terminus Fomalhault aux éditions Encrage en 1997, j'attendais pour ma part son second roman avec intérêt.

Si, comme pour Terminus Fomalhault, on reste ici dans le registre de l'enquête et du crime crapuleux, Bouchard a cette fois opté pour un ton résolument humoristique. Ainsi suit-on les pérégrinations de cette pauvre Rachel, qui nous raconte ses déboires (le roman est écrit à la première personne du singulier) à mesure que tout s'écroule autour d'elle. Le style de l'auteur, d'une simplicité presque naïve, est entièrement dévolu au développement de l'intrigue. Point de fioritures, d'effets, de descriptions plus qu'il n'est nécessaire. Astronef aux enchères se veut avant tout un roman distrayant : il l'est incontestablement. Ce qui ne signifie pas qu'il soit, dans son genre, totalement exempt de défauts. En effet, les différents éléments constitutifs de l'intrigue sont bien longs à se mettre en place (près de cent pages !). D'où un déséquilibre narratif entre le premier tiers du roman et les deux tiers restants Bouchard brosse sa société futuriste par le biais de ses lois, de son système législatif et de ses instances judiciaires. Une démarche intéressante, on en conviendra, mais qui nécessite pour le lecteur néophyte quelques digressions et un appareillage de notes fastidieux. D'où, en grande partie, le déséquilibre évoqué plus haut. Cette mise en situation trop longue (même si elle sait se montrer savoureuse) est le principal handicap de ce roman au demeurant sympathique. Il eût sans doute été préférable d'alléger un tant soit peu cette exposition et, en revanche, de davantage s'attarder sur des personnages qui manquent de reliefs.

Mais quoi ? Astronef aux enchères n'est certes pas un chef-d'œuvre. À vrai dire, du fait de sa construction inéquilibrée et de ce qu'on appellera quelques candeurs stylistiques, il serait même moins bon que Terminus Fomalhault. Ce qui n'empêchera pas de prendre un réel plaisir à sa lecture, pour peu qu'on l'aborde pour ce qu'il est, un pur objet de divertissement. Nicolas Bouchard est un jeune auteur, presque un débutant. Et s'il n'explose pas à proprement parler dans son second roman, il confirme néanmoins qu'il est un auteur à suivre.

Olivier GIRARD

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