Connexion

Les critiques de Bifrost

Au bal des absents

Catherine DUFOUR
SEUIL
224pp - 18,00 €

Critique parue en octobre 2024 dans Bifrost n° 116

Figure majeure de l’Imaginaire, Catherine Dufour l’est par la grâce d’œuvres relevant avant tout de de la fantasy et de la science-fiction. Mais il lui arrive parfois de s’engager dans la voie d’une littérature fantastique mêlée d’horrifique. Sans doute moins fournie que celles dévolues aux univers légendaire et de l’anticipation, cette veine dufourienne placée sous le signe de l’étrange n’en a pas moins donné lieu à de brillantes réussites. Parmi celles-ci, l’on compte la nouvelle « L’Immaculée conception » (sans doute le sommet du recueil L’Accroissement mathématique du plaisir), ou bien encore le vampirique roman Entends la nuit.

C’est aussi de ce pan fantastique que relève Au bal des absents, même si ce roman parut initialement chez « Cadre noir », la collection des éditions du Seuil dévolue au genre criminel. Encore étiqueté « Polar » par l’écrivaine elle-même sur son site, Au bal des absents semble certes et de prime abord s’inscrire canoniquement dans ledit genre. Plus précisément dans ce qu’il est coutume d’appeler le roman noir, soit cette déclinaison à la fois très actuelle et tout autant critique de la fiction criminelle. Au bal des absents se déroule en effet dans une France tout à fait contemporaine, dépeinte comme un archipel de périphéries urbaines et rurales où sont relégués les néo-damnés de la Terre. Claude, l’héroïne du roman, est l’une d’entre eux, en affichant si ce n’est tous les stigmates, du moins une conséquente proportion évoquée par l’écrivaine avec une précision paradocumentaire. Autrefois soutière de l’e-économie, la quadragénaire et chômeuse de (trop) longue date ne dispose plus que du RSA pour (sur)vivre. Célibataire nullipare à la sociabilité aussi étique dans le réel qu’en ligne, Claude ne laisse personne derrière elle après avoir quitté Issy-les-Moulineaux pour le bourg fictif d’Illionville. Sis quelque part dans une campagne plus dépressive que bucolique, les alentours de l’imaginaire et modeste cité ont été le théâtre de la disparition inexpliquée des Grue, une famille d’Américains venue là en vacances. À charge pour Claude de percer le mystère, après avoir été numériquement sollicitée par un juriste travaillant pour des parents des disparus. Mais la manière d’enquête dans laquelle s’engage alors la SDF en puissance va se muer bien vite en une étrange aventure. La demeure où s’évanouirent les Grue étant le théâtre de phénomènes aussi inquiétants qu’inhabituels, ces derniers amèneront Claude à apprendre sur le tas, hormis le métier de détective, celui d’exorciste…

Le fantastique dans lequel bascule dès lors Au bal des absents convainc cependant moins que celui des susdits roman et nouvelle. Certes, l’on y retrouve avec un certain plaisir l’ambiguïté ironique de « L’Immaculée conception », à laquelle Au bal des absents emprunte sa protagoniste comme l’indique Catherine Dufour dans l’entretien qu’elle nous a accordé dans le cadre du présent dossier. Cette sorte de suite croise par ailleurs charge socio-politique et motifs fantastiques avec une inventivité évoquant celle d’Entends la nuit. Mais la prenante tension qui caractérisait ce dernier fait malheureusement défaut à ce Bal des absents. La faute en incombe à une chorégraphie narrative tournant par trop en rond. Et l’on a in fine l’impression d’avoir là  affaire à une nouvelle inutilement étirée plutôt qu’à un roman en bonne et due forme…

 

 

Pierre CHARREL

Ça vient de paraître

Changements de plans

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 117
PayPlug