Sous une couverture pas désagréable signée Melchior Ascaride, voici un court roman d’une autrice trop vite disparue enfin exhumé du carton où il prenait le moisi depuis une bonne dizaine de lustres.
Au clair de la Terre repasse l’un des ponts aux ânes les plus couru de la SF ; la visite d’aliens sur notre bonne vieille planète. Une rencontre du troisième type, donc, au traitement d’une originalité certaine car les visiteurs ne sont nullement des E.T. mais des anges — sans ailes, toutefois. Un thème qui ne pouvait laisser indifférents Les Moutons Électriques, maison qui a déjà publié une anthologie sur ce sujet à ses débuts.
Tout ne commença pas par une nuit noire alors qu’il cherchait un raccourci… mais par une sorte d’enquête de recherche en paternité initié par la fille de l’auto-présumé cocu ayant peut-être rompu ses fiançailles un peu vite. Tous deux savent que les envahisseurs qui sont venus n’en sont peut-être pas, qu’ils n’ont pas tout à fait forme humaine et que le rêve a peut-être déjà pris fin. Les anges sont donc venus pour laisser leurs coucous de Midwich Hendaye (le célèbre roman paranoïaque dans le plus pur style de la Guerre Froide de John Wyndham est clairement évoqué par Renard (p. 55). Car des enfants bien particuliers, tels Florence, la fille d’Anne, sont nés lors de cette rencontre, comme par l’opération du Saint-Esprit…
Fort bien écrit, mais pas assez pour son dessein, sans doute inatteignable, de dépeindre un jardin d’éden parallèle où vivent les anges, Christine Renard nous laisse avec les mots d’une poésie qui reste impuissante à faire naître les images qu’il aurait fallu. La très forte empreinte gnostique qui imprègne l’ouvrage pourra aussi gêner — ce besoin que l’on aurait d’anges lorgnant par-dessus nos épaules afin de nous garder du mal tant commis que subi, niant tout libre-arbitre. Dans ce roman empreint de religiosité, l’autrice évoque une aspiration au retour au paradis terrestre où il y convient d’honorer les dieux/anges qui n’existent que tant qu’il est des gens pour croire en eux par la foi et la mémoire.
L’ouvrage se termine par une postface d’André-François Ruaud, une mise à jour de son édition en préface au recueil La Mante au fil des jours (Fleuve Noir, 1998) par trop élogieuse mais précieuse de renseignements bio- et bibliographiques sur Christine Renard, qui vaut assurément d’être découverte par de nouvelles générations de lecteurs. Las, 20 euros pour un très court roman, fut-il bon, dépourvu de frais de traduction et assorti d’une préface recyclée, c’est pour le moins exorbitant…