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Les critiques de Bifrost

Au-delà de l'infini

Au-delà de l'infini

Gregory BENFORD
PRESSES DE LA CITÉ
424pp - 22,50 €

Bifrost n° 46

Critique parue en avril 2007 dans Bifrost n° 46

Cley est une Originale, autrement dit ce qui se fait de plus proche de l'Ur-Humain tel qu'il est apparu sur Terre. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir des doigts se transformant en autant d'outils de couteau suisse. Elle a en fait été recrée par les Supras, à partir des données conservées dans la Grande Bibliothèque où elle travaille et où elle s'est éprise d'un Supra que son infériorité ne gêne pas. Mais la Bibliothèque est attaquée par un ennemi venu de l'espace, qui éradique tous les Originaux, à l'exception de Cley, laissée pour morte. C'est Traqueur de Modèles, un raton laveur génétiquement modifié d'une intelligence aiguë, qui lui sauve la vie. Mais les archives d'ADN ont été détruites, ce qui fait de Cley la dernière représentante des Ur-humains. Traquée, elle décide d'affronter son ennemi, le Malin, créé par des extraterrestres à présent disparus, un destructeur de mondes auquel on avait opposé jadis un ennemi de puissance comparable dont on a perdu la trace.

Dans un futur très lointain, le concept d'humanité a évolué au point de ranger les représentants actuels parmi les hommes des cavernes. Cley elle-même, de par son relatif isolement au sein de la Bibliothèque, découvre avec étonnement des espèces capables de l'expédier dans une des dimensions cachées de l'univers. D'autres, comme le Balancier Stellaire, une baguette géante bondissante en rotation autour d'une planète, constituent un moyen de transport à travers les mondes. Des squales de l'espace sillonnent le vide à la recherche de Léviathans ou apparentés pour se repaître des parasites et voyageurs qui y nichent.

L'étrangeté plus que déstabilisante de cet univers ne donne que plus de force au leitmotiv que Cley entend depuis le début de son équipée, à savoir qu'elle n'est pas le summum de la création et que son espèce a même contribué à en créer d'autres qui lui sont supérieures. C'est ainsi que Traqueur, avisé compagnon de route, considéré comme quantité négligeable par les Supras qui ont laissé l'espèce se développer seule, apparaît de plus en plus comme une pièce importante de l'échiquier qui dissimule sa véritable nature.

Gregory Benford a poussé ici l'humanité dans ses ultimes développements, plantant un décor d'un exotisme absolu. Si le lecteur est bluffé par l'inventivité dont il fait preuve à chaque page, il est en même temps dérouté par l'étrangeté qui prévaut du début à la fin. Le récit lui-même manque de relief, ne serait-ce que parce que durant une grande partie du livre, Cley et Traqueur sont les seuls protagonistes affrontant des dangers liés à l'environnement. Déjà trop éloignés de l'humanité primitive, les protagonistes peinent à nous faire partager leurs émotions ou leur motivations, ce qui nuit grandement à l'intérêt qu'on peut leur porter. Au-delà de l'infini est une superbe construction intellectuelle, brillante sur le plan des idées, mais à qui il manque une âme pour provoquer l'adhésion.

Claude ECKEN

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