Jean-Pierre ANDREVON
LA CLEF D'ARGENT
158pp - 12,00 €
Critique parue en janvier 2015 dans Bifrost n° 77
Il y a une petite mélodie Andrevon, ce qui ne surprend guère quand on songe que l’auteur se fait volontiers musicien. Même si on retrouve des thèmes récurrents dans toute l’œuvre, c’est dans ses nouvelles qu’il les explore avec une ardeur inébranlable. Rien de nouveau sous le soleil : il y a plus de quarante ans, son deuxième livre, après le premier roman, était déjà un recueil.
Aubes trompeuses réunit neuf textes issus des revues de genre (Faerie, Khimaira, Bifrost) et d’autres supports (Libération ou, ben tiens, Chorus, entre autres), publiés sur une douzaine d’années, hormis une antiquité de 1973 (dans une « nouvelle mouture », indique JPA) et un inédit. Comme souvent dans ses florilèges, la SF côtoie — et tutoie — le fantastique.
On voit un chanteur appelé « Jip » auprès de Brel, Brassens et ses autres idoles dans ce qui pourrait être une après-vie ; un TGV et ses passagers projetés dans un mouvement de balancier spatiotemporel qu’un van Vogt n’aurait pas renié ; un univers virtuel cataclysmique dissimulant… non, ce serait déflorer le texte ; l’agonie de l’humanité, ici dans les affres du post-pétrole, qui offre à la planète des lendemains peut-être plus radieux (une constante chez notre auteur, qu’on se souvienne de titres comme Le Désert du monde et Le Monde enfin) ; une fable à la Ballard, terrifiante de cocasserie apparente, sur la surpopulation ; et ainsi de suite.
Il y a une petite mélodie Andrevon, mais mieux vaut prévenir : elle tient souvent de la mélopée. Même si « le monde était frais et clair », il peut toujours s’agir d’une « aube trompeuse ». Toutefois, dans la grisaille ou la noirceur, il subsiste la couleur des sentiments, l’amour, l’amitié, voire — il faut chercher — l’espoir. Il y a surtout une belle maîtrise de la langue, une poésie réelle et, afin de chahuter quelque peu le bourgeois, une dose de cul quand la routine menace de s’installer.
Avec sa couverture, elle aussi due à notre homme, mettant en situation un emblème de sa ville, Grenoble, ce volume, sous sa modestie apparente, montre le talent protéiforme d’un de nos écrivains les plus précieux — au meilleur sens du terme.