Si l’on fait abstraction de la novella Le Choix (2016, critique in Bifrost n° 82), éditée au Bélial’ dans la collection « Une heure-lumière », Paul J. McAuley s’est montré plutôt discret dans nos contrées ces derniers temps. Il faut en effet remonter à 2010 pour trouver trace d’un roman inédit, en l’occurrence La Guerre tranquille (critique in Bifrost n° 61), premier épisode d’un cycle éponyme laissé en jachère, faute de succès (chez Bragelonne, comme le présent roman, éditeur assez coutumier du fait). La traduction d’Austral apparaît donc comme un retour en grâce, même si la perspective de son adaptation sur le petit écran, annoncée en quatrième de couverture, n’est sans doute pas complètement étrangère à cette initiative…
Délaissant l’échelle cosmique du space opera, l’auteur britannique enracine son récit dans le proche avenir, en territoire hostile. Nous nous retrouvons ainsi immergés aux antipodes, en terre Antarctique, à la fin du XXIe siècle. Le changement global impulsé par l’élévation des températures a balayé la planète, bouleversant les milieux bioclimatiques et la géopolitique mondiale. Exit la domination de l’hémisphère Nord, ravagé par les guerres et les catastrophes naturelles. Place aux nations australes, désormais confrontées au défi de l’aménagement de la péninsule Antarctique. Après l’expiration du traité international garantissant le statu quo sur le continent austral, les lieux sont naturellement devenus un enjeu disputé par les uns et les autres. Pendant un temps, les États ont cru pouvoir compenser les déprédations des multinationales contre leur participation à des projets de géo-ingénierie. Les bonnes intentions ont fait long feu face à la tyrannie du court terme et à la course au profit. Les tenants de l’écopoïèse ont ainsi dû remiser leur rêve de démocratie technocratique dans les cartons de l’utopie, laissant en jachère les biomes aménagés sur les terrains découverts par la fonte des glaciers. Leurs enfants huskies, une descendance génétiquement améliorée pour pouvoir vivre au Pôle Sud, sont devenus des parias, en butte aux vexations et discriminations de politiques peu enclins à la bienveillance, comme Austral Morales Ferrado a pu le constater dès sa plus tendre enfance. Mais, la jeune husky compte bien prendre sa revanche, mettre à profit le savoir-faire acquis auprès de sa mère, des écopoètes libres et de la pègre locale pour s’affranchir de son existence terne et sans espoir.
Course-poursuite sur fond de moraines glacées et de forêts subarctiques, entrecoupée de digressions en forme de flashback, Austral ne déroge pas aux codes et poncifs du thriller. L’amateur de roman noir y trouvera tout ce qui fait le sel de ce genre, en particulier la dimension critique et sociale. Le post-apo’ y apparaît presque secondaire. Certes, on croise bien quelques espèces génétiquement transformées pour survivre dans un milieu restant fondamentalement hostile en dépit du réchauffement, notamment des oiseaux et des souris. On côtoie aussi des chimères, en particulier des mammouths utilisés comme animaux de trait. La science- fiction dont se prévaut le roman reste cependant un décor dont Paul J. McAuley tire profit pour dérouler un récit portant surtout sur les conséquences du changement global. De ce point de vue, Austral est une réussite, l’auteur proposant une anticipation post-réchauffement très convaincante. Mais les coïncidences paraissent parfois un tantinet forcées, et l’amateur de thriller trouvera sans doute le dénouement inachevé, voire abrupt, la fin restant ouverte.
Austral n’en demeure pas moins un roman efficace, certes peut-être parfois un peu trop plan-plan pour susciter l’enthousiasme. Mais, la climate fiction est suffisamment bien rendue pour séduire l’amateur de ce sous-genre. À voir.