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Les critiques de Bifrost

« Me revient alors l’inquiétant souvenir d’une femme en vert, au temps de l’école maternelle. Cette grande femme brutale et carrée nous promet à tous la prison si nous mangeons trop lentement, si nous salissons nos vêtements, si nous ne levons pas les yeux vers les siens. Elle a les yeux verts, elle leur assortit ses longues jupes à carreaux et ses chandails à col roulé. Elle faisait planer dans l’école une atmosphère d’épouvante. Elle emporte quelques enfants vers un couloir sombre en jurant qu’au bout se trouve la prison, et des cris de terreur résonnent tandis que s’éloignent la femme massive et ses petits prisonniers coincés sous ses manches vertes. On ne revoit jamais les enfants. » (Page 15.)

Objet littéraire non identifiable, histoire de fantôme(s) dans une France des années 2002-2003 où l’eau monte, où les gens ne sont plus ceux qu’ils étaient et où on compte un nombre visiblement anormal de bananiers, Autoportrait en vert est une réussite stylistique indéniable, un de ces livres meublés de quotidien inquiétant que l’on a envie de définir comme « kafkaïens ». Autoportrait en vert n’est peut-être pas le meilleur ouvrage pour aborder l’univers décalé de Marie Ndiaye (notamment très remarquée en 1996 suite à la parution de son excellent roman La Sorcière aux éditions de Minuit), néanmoins voilà un texte foncièrement déconcertant, à la confluence brutale de la « grande » littérature et des littératures de l’imaginaire. Si Henry James avait vécu de nos jours, il aurait probablement écrit Autoportrait en vert ou quelque chose d’approchant. Et par la grâce du commentaire de Patrick Kéchichian du Monde, je me permets de mettre un point final à cette notule : « C’est d’un doigt de fée que Marie Ndiaye désigne le désastre. »

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