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Les critiques de Bifrost

Critique parue en janvier 2018 dans Bifrost n° 89

D’une certaine façon, ouvertement décalée, Autorité commence là où Annihilation (le premier volume de la «  Trilogie du Rempart Sud ») s’arrêtait. La douzième expédition dans la zone X s’est soldée par un échec retentissant. Qui est mort, qui a survécu ? Même cette double question pose problème. Arrivé à Rempart Sud, John Rodriguez commence par se faire appeler Control (on se croirait alors dans une de ces excellentes séries d’espionnage, mâtinées de science-fiction, des années soixante, tels Le Prisonnier et Chapeau Melon et bottes de cuir). John/Control va donc découvrir le Rempart Sud : son architecture en U, sa sous-directrice récalcitrante, l’équipe de scientifiques qui y travaillent, ses documents en relation directe avec la zone X et ses trois « prisonnières ». Dans le lot, John s’intéresse tout particulièrement à la biologiste.

Annihilation évoquait violemment Stalker des frères Strougatski, une version forestière et pluviale du classique russe. Autorité et ses fougères en point d’interrogation font penser à un autre roman des Strougatski, un autre classique de la SF russe : L’Escargot sur la pente, où l’Administration est en charge de l’étude d’une mystérieuse et parfois incompréhensible forêt.

Autorité souffre un peu des mêmes défauts qu’Annihilation, mais ce second roman est presque deux fois plus long ; une longueur qui paraît À la lecture totalement injustifiée. Les deux cents trente premières pages racontent peu ou prou l’arrivée de John à Rempart Sud, l’action (si l’on veut) ne commençant qu’après cette longuette introduction. Et si la suite (pages 230 à 336) gagne en intérêt, c’est parce que l’auteur distille à un rythme régulier (à défaut d’être soutenu) des révélations sur la zone X, John, Central, etc. Il ne se passe rien ou presque avant les cinquante dernières pages (partie « Après-vie ») qui sont, d’un seul coup, extrêmement denses, mais aussi très réussies. Autre défaut commun aux deux premiers romans de la trilogie : l’hétérogénéité du style. L’auteur alterne prose soutenue (voire magnifique, dès que la nature est de la partie) et littérature de gare. Certains passages « espionnage » sont un peu ridicules et il ne suffit pas de reprendre certains ressorts de John Le Carré pour faire du John Le Carré.

Les amateurs d’action échevelée pourront sans mal rester à l’écart de la zone X ; quant à ceux qui aiment les romans d’ambiance, les romans étranges qui posent bien plus de questions qu’ils n’apportent de réponses, ils pourront à moindre coût lire Annihilation en poche et se faire leur petite idée sur cette trilogie paradoxalement aussi intéressante que surévaluée.

Thomas DAY

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