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Les critiques de Bifrost

Aux comptoirs du cosmos

Poul ANDERSON
LE BÉLIAL'
288pp - 20,00 €

Critique parue en octobre 2017 dans Bifrost n° 88

Si ce deuxième opus des cinq volumes consacrés à «  La Hanse galactique » laisse un peu en retrait Nicholas van Rijn, le flamboyant directeur de la Compagnie Solaire des Épices & Liqueurs, c’est pour faire place à d’autres personnages de la Ligue polesotechnique, qui résolvent à leur tour de tortueuses énigmes planétaires.

Ainsi, comment transporter sur une longue distance un lourd générateur à même de réparer un vaisseau spatial et de quitter une planète où rien n’est comestible pour l’humain, avant épuisement des provisions, quand une puissante théocratie interdit l’usage de la roue, et donc de moyens de transports adéquats ? Tel est le problème auquel est confronté le jeune David Falkayn, qui joue intelligemment sur deux tableaux et amorce ce qui s’apparente bel et bien à une révolution copernicienne ( « La Roue triangulaire »).

Dans « Un Soleil invisible », les Kraokas, peuple dispersé autour d’un astre brillant de type F impropre aux humains, tiennent à former un empire en interdisant la navigation interstellaire dans le périmètre que forment leurs rares planètes avec une quinzième qu’ils revendiquent, ce à quoi la Ligue pourrait consentir s’ils en connaissaient l’emplacement. Le même Falkayn ne dispose que de minces indices, lâchés par une femme venue transmettre ces souhaits à la Ligue, pour localiser l’étoile et déterminer ainsi l’importance des enjeux. La situation, calquée sur les revendications hégémoniques de l’Allemagne hitlérienne, repose ici aussi sur un détail scientifique d’ordre cosmologique.

Dans « Esaü », van Rijn vient de renvoyer Emil Dalmany, qui justifie devant lui sa décision prise sur une question commerciale à l’apparent désavantage de la compagnie. L’instauration d’un gouvernement indigène à la solde d’une entreprise commerciale afin de mieux contrôler la production traite en filigrane de la menace des transnationales, sur fond de chômage technique lié à l’utilisation de robots.

On le voit, les récits restent dans l’esprit de la saga, autour de problèmes de négoce sur des mondes étrangers, où l’art du compromis et du jeu à somme non nulle en font tout le sel. Les intrigues de type policier reposent le plus souvent sur des postulats scientifiques que Poul Anderson déploie avec beaucoup d’astuce.

Le « Cache-cache » auquel se livre un équipage extraterrestre arraisonné par van Rijn en raison des avaries que son propre vaisseau a subies, demande beaucoup de sagacité pour le repérer dans sa cargaison d’animaux exotiques, sachant que tous les éléments risquant de les trahir ont été retirés des lieux de vie. Cette nouvelle marque la première apparition de Bahadur Torrance, tandis que la dernière du recueil introduit l’imposant et très cultivé lézard Wodonite (sic !) Adzel, précisément à l’occasion d’un retour sur Terre qui lui donnera l’occasion de sauver un spectacle centré sur… l’humain. « L’Ethnicité sans peine » est un bel exemple d’ouverture sur les autres.

Si on considère qu’en outre ces nouvelles sont narrées sur un rythme soutenu, distillent une discrète ironie et regorgent de dialogues enlevés, on obtient cinq histoires très denses, que rehaussent encore des Interludes, savoureuses réflexions à propos de science ou d’extraterrestres, tout en finesse et en intelligence. Une chronologie de la civilisation technique signée Sandra Miesel clôt l’ouvrage. Le libre sieur Jean-Daniel Brèque, traducteur, a manifestement pris beaucoup de plaisir à coordonner l’ouvrage avec Olivier Girard. On reste dans la veine d’une science-fiction populaire, intelligente, mordante, et éminemment jouissive. En un mot : superfabulagique !

Claude ECKEN

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