Roland C. WAGNER
L'ATALANTE
416pp - 19,90 €
Critique parue en octobre 2002 dans Bifrost n° 28
Dans cette nouvelle enquête de Tem, le détective transparent qui a déménagé ses locaux à l'Atalante (les trois premiers titres de la série y ont été réédités), Ramirez apprend qu'il est lui aussi porteur de l'ADN étrange des millénaristes et désire identifier son père. La recherche conduit Tem au Plessis-Robinson, devenue une ville fantôme livrée aux archétypes et aux démons alliés à des humains sans scrupules jouant un remake de Main basse sur la ville. Mais Le Plessis-Robinson est un piège : il est impossible d'en sortir ni de communiquer avec l'extérieur. Les rues arborent les noms des plus sinistres personnages de l'histoire et il y rôde les terribles Molosses de la Nuit, qui se déploient sur huit dimensions. Mais on relève aussi, au pochoir, sur les murs, le dessin d'un chat rouge au poil hérissé. Méfiant, Tem avait chargé Eileen d'appeler ses connaissances à la rescousse en cas de problème : elle ramène nombre de protagonistes croisés dans les précédents volumes, auxquels s'ajoutent des tøøns, une ribambelle de chats parfois habités par des fantomas, dont Peggy Sue, la fille de l'aya Gloria. De révélations en rebondissements, tout ce petit monde se retrouve dans le plus joyeux désordre pour une confrontation finale plus carnavalesque qu'épique, mais qui permet tout de même d'avancer dans la compréhension de la psychosphère.
Parallèlement à ces intrigues croisées, on découvre, exhibées par l'écrivain Edgar Zyviec, les notes de Richard Montaigu, le grand-père de Tem, l'auteur du Faisceau chromatique, qui le premier a deviné la menace planant sur sa ville. Par ce biais Roland Wagner, en une charge féroce, règle ses comptes avec la municipalité du Plessis-Robinson. Il injecte ainsi dans le récit des fragments autobiographiques (Montaigu, c'est lui !) et noue des fils avec ses romans antérieurs : leur fusion dans le cycle des Futurs Mystères de Paris, la traque des concordances thématiques permettant de joindre les pièces de son puzzle littéraire, le montrent à la recherche d'une unité qui serait le socle d'une œuvre cohérente et personnelle.
L'assemblage ne se fait pas sans tâtonnements, de même que le présent récit, en multipliant les pistes, n'échappe pas à la confusion. Mais Wagner est souple comme les chats qui parsèment le récit : il finit toujours par retomber sur ses pattes et se tire des intrigues complexes par une pirouette, d'une réjouissante malice. Il parvient même à définitivement trancher la question de la différence entre le fantastique et la science-fiction en faisant intervenir dans son roman les deux archétypes qui les caractérisent et qui ont une apparence féminine : la Science-fiction est blonde et le Fantastique brune.
Qui dit mieux ?