La bauge : une étendue de boue aux allures apocalyptiques. En son centre, le refuge, dirigé par le Jardinier. C’est là que vivent depuis quatre ans – peut-être davantage – Lana et son compagnon Rigal. Entourés des pelleteux, chargés de repousser la boue, et des puterels, jeunes gens dédiés aux plaisirs du Jardinier, leur quotidien se résume à lutter contre la boue, jour après jour. Jusqu’à ce que, lassés, ils décident de quitter le refuge et l’abri incertain qu’il offre. Leur objectif : rejoindre le monde extérieur, dont ils ont été chassés des années plus tôt. Accompagnés du Puterel roux et de sa sœur, la Môme, ils s’engagent dans le désert boueux. Commence alors un périlleux voyage, entre environnement hostile et chasse à l’homme, pour atteindre la liberté et la lumière au bout du chemin.
Œuvre atypique, tant sur le fond que sur la forme, Bain de boue nous plonge dans un lieu inconnu aux allures de fin du monde, mais qui ne recouvre de toute évidence pas l’intégralité de la planète. Deux des protagonistes viennent d’ailleurs de l’extérieur et, s’ils ne savent pas pourquoi ils ont été envoyés dans la bauge, ils n’ont visiblement pas non plus la moindre idée de comment en ressortir. Ars O’ montre parfaitement l’angoisse qu’ils ressentent face à l’absence de points de repère, passant d’un point de vue à l’autre d’une main de maître. Chaque protagoniste a ses qualités, ses défauts, ses désirs, sa culture et ses points de vue. Ici, pas de communauté construite sur un modèle complexe ni de stratégies de survie intelligente. Juste des personnages, ni très forts ni très malins, qui cherchent à survivre malgré les dangers qui les guettent et leurs inimitiés. Si un tel déroulé peut paraître assez simpliste, il fonctionne néanmoins, car Bain de boue ne cherche pas tant à montrer la complexité de l’esprit humain que ses contradictions et ses réactions dans des situations extrêmes.
Le récit tire aussi son originalité du traitement du monde postapocalyptique qu’il expose. Si l’on retrouve dans la plupart des romans de ce genre pandémies, guerres nucléaires ou autres invasions aliens, Bain de boue ne révèle jamais la nature du désastre initial. Un choix justifié, dans la mesure où les personnages l’ignorent eux aussi. Quitte à décevoir le lecteur en quête de réponse, rien n’étant expliqué quant à l’origine de la bauge. Un autre bémol pourrait porter sur le style. Très oral et toujours adapté à chaque point de vue, s’il ne manque pas d’originalité, nul doute qu’il risque aussi de déstabiliser, à commencer par les fautes de français, bien entendu volontaires, bien entendu caractéristiques des protagonistes, mais malgré tout dérangeantes. D’autant plus que, bien que le point de vue reste toujours interne, l’ouvrage est écrit à la troisième personne et non à la première – ce qui aurait sans doute mieux convenu à une telle narration.
Au bout du compte, Bain de boue se présente comme une histoire prenante, sans temps mort et aux personnages attachants. Son originalité ne se situe pas tant dans l’idée de la survie en zone hostile, que dans le traitement des personnages et de ce monde dont on ne sait finalement que très peu. Reste un récit qui se lit d’une traite, en dépit d’un style qui pourrait diviser, on l’a dit. Une curiosité, en somme, pour tout adepte d’environnement post-apo en recherche de nouveauté dans ce registre.