Robert F. YOUNG
DENOËL
7,40 €
Critique parue en décembre 1999 dans Bifrost n° 16
Comme vous le savez, à Bifrost, nous aimons les petits maîtres de la SF. Vous aussi, je n'en doute pas. On me dit que vous êtes plusieurs centaines de milliers à suivre assidûment la rubrique d'André-François Ruaud. C'est bien. La réédition de Baleinier de la nuit devrait donc vous réjouir autant que nous. Robert F. Young eut en France sa petite heure de gloire, grâce aux efforts éditoriaux d'Alain Dorémieux, Jean-Pierre Fontana ou Daniel Walther. Malheureusement, depuis sa mort en 1986, il a quasiment disparu des rayonnages comme des sommaires des revues et anthologies. D'où la joie de le voir reparaître aujourd'hui.
Reconnaissons-le, Robert F. Young doit avant tout sa (modeste) réputation à ses nouvelles. Venu sur le tard au roman (son premier, La Quête de la Sainte Grille, est publié alors qu'il a déjà soixante ans), les cinq qu'il a écrit — deux restent inédits chez nous — n'ont pas laissé un souvenir impérissable. Excepté ce Baleinier de la nuit, unanimement reconnu comme étant le plus réussi. Ce roman trouve son origine dans une nouvelle de 1962, « Le Léviathan de l'espace » (in Fiction N° 110, repris dans le recueil éponyme paru chez Néo en 1984), récit sympathique sinon convaincant d'un homme découvrant dans une immense baleine spatiale une société humaine archaïque — c'est-à-dire semblable à notre XXe siècle.
En s'intéressant à nouveau à ces monstrueuses créatures cosmiques, capables de voyager aussi bien dans l'espace que dans le temps, et que les humains tuent pour les transformer en navires, Robert F. Young a adopté un ton beaucoup plus sombre. John Starfinder est l'un des chasseurs de baleines les plus réputés. L'un des plus instables aussi. Sa vie bascule lorsque, après avoir assassiné l'immortelle qu'il devait épouser, il est contacté par une baleine, retenue sur un chantier spatial mais toujours vivante. La créature lui propose un marché : si Starfinder l'aide à s'échapper, elle deviendra son esclave. L'accord est conclu, l'histoire peut réellement commencer.
Dans un premier temps, les aventures de John Starfinder semblent se suivre sans vraiment avoir de lien entre elles : il est attaqué par trois êtres mythiques, cause la perte d'une naufragée spatiale qu'il voulait sauver, recueille à bord de la baleine une adolescente perdue. Mais par la suite, et grâce à quelques voyages temporels plus ou moins volontaires, les différents fils de la trame se nouent et l'intrigue apparaît dans toute sa cohérence. Au final, Baleinier de la nuit se révèle être une belle réussite, et sa réédition on ne peut plus heureuse.