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Les critiques de Bifrost

Bertram le Baladin

Camille LEBOULANGER
CRITIC
304pp - 18,00 €

Critique parue en janvier 2018 dans Bifrost n° 89

On avait découvert Camille Leboulanger il y a six ans avec Enfin la Nuit (chez L’Atalante), roman post-apocalyptique atypique contant une fin du monde presque paisible. Un premier roman prometteur d’un jeune auteur d’à peine vingt ans, et puis plus rien. On le retrouve enfin aujourd’hui, aux éditions Critic, dans un registre bien différent. Bertram le Baladin est un roman de fantasy situé dans un univers médiéval classique, où la magie prend davantage la forme de légendes que de faits avérés. Ce monde possède néanmoins une singularité : l’écriture n’y existe pas, ou plutôt n’y existe plus. Les secrets de la fabrication du papier se sont perdus, et s’est progressivement développée une culture orale, dont les baladins sont les pourvoyeurs. Ils ont pour mission de parcourir ces terres pour y récolter les histoires dont ils feront des chansons qu’ils transmettront un jour à leur apprenti. Bertram est l’un des plus illustres d’entre eux. Mais lorsque le récit débute, il se trouve dans une fâcheuse posture, puisqu’on lui a volé son bien le plus précieux : son luth. Pour espérer le retrouver, il devra passer un accord avec Sans-Nom, une femme qu’une sorcière a dépouillée de son identité et de sa vie, et qu’une paire de mercenaires a capturée pour la vendre comme esclave. Bertram le Baladin est un roman qui affiche beaucoup de qualités. Il y a d’abord son duo de héros, couple que rien ne rapproche à première vue et qui ne va pourtant cesser de renforcer ses liens au fil de ses mésaventures. Ils ne sont ni l’un ni l’autre exactement tels qu’ils nous apparaissent dans un premier temps, et tous deux gagnent en épaisseur chapitre après chapitre, sans forcément en sortir grandis. Il en va de même pour les principaux personnages qu’ils croiseront lors de leur périple, en particulier la fille du seigneur de Strid, à la fois gamine insupportable dont le père cède à tous les caprices et authentique artiste. L’univers que met en scène Camille Leboulanger se révèle lui aussi au fur et à mesure dans toute sa complexité, lorsque l’on découvre progressivement le rôle crucial qu’y joue la guilde des baladins, unique détentrice de la culture et du savoir dans cette société, à la fois source de connaissances mais également structure archaïque peu encline à évoluer. Le roman gagne encore en dynamique lorsqu’un potentat local, dont la puissance repose exclusivement sur ses succès économiques, décide de remettre en question le pouvoir et l’autorité de la guilde. Le récit n’est sans doute pas exempt de tout défaut, notamment dans sa gestion parfois approximative de la chronologie des événements, mais rien de bien grave. Bertram le Baladin est un roman de fantasy original et attachant, qui part souvent dans des directions où on ne l’attend pas, et qu’il est difficile de lâcher avant sa conclusion. Souhaitons juste qu’on aura l’occasion de relire Camille Leboulanger avant 2023.

Philippe BOULIER

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