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Les critiques de Bifrost

Black Flag

Valerio EVANGELISTI
RIVAGES
15,00 €

Critique parue en juillet 2003 dans Bifrost n° 31

Black Flag, ce n'est pas tant le drapeau noir de l'anarchie que le nom d'un insecticide américain trucideur de cafards — du groupe punk hardcore qu'il inspira, où Henry Rollins fit ses premières armes, et dont les textes sont abondamment cités en tête de chapitres.

Le livre est structuré un peu comme la plupart des romans de la série « Nicolas Eymerich » : nous suivons deux récits en alternance, un situé dans le passé et l'autre dans le futur. La moitié « futur » du livre est déjà connue du lecteur français de S-F, puisque parue sous forme d'une longue nouvelle dans l'anthologie Destination 3001 (Flammarion) : en l'an 3000, la Terre est devenue un gigantesque asile, surveillé depuis la Lune par une petite équipe de psychiatres qui envoient régulièrement des électrochocs pour empêcher les déments de trop s'entretuer. Quoique…

La moitié « passé » explore un arrière-plan plus original : les derniers mois de la Guerre de Sécession, dans l'Ouest des USA (à l'époque : du Texas au Missouri). Pantera est un « palero », sorcier mexicain ; embauché pour liquider un loup-garou, il se retrouve en compagnie de celui-ci au sein d'une petite bande d'irréguliers sudistes qui se font remarquer par des exactions abominables. Finalement, seul le loup-garou est un personnage sympathique.

Pantera refuse le contact humain et se comportera malgré tout comme le plus humain de la bande, ramenant aussi à l'humanité tous ceux qui avaient été exclus par le groupe sans pitié ni solidarité des soldats perdus : un Indien, une femme, et le loup-garou. On pense par certains côtés à l'attitude paradoxale d'Eymerich. Dans ce Texas ravagé par la guerre, ce sont des hommes en apparence normaux qui sont les pires loups — en ceci le message d'Evangelisti n'est pas original.

Le futur « psychiatrique » est lui aussi intéressant, mais dégénère en une longue suite de violences qui n'ont pas le relief des relations entre les différentes sortes de maladie mentale des Clans de la Lune Alphane de Philip K. Dick. On est en présence d'un ouvrage mineur d'Evangelisti, qui souffre de plus d'une faiblesse structurelle : le seul lien entre les deux parties du livre est la suggestion qu'une combinaison d'expériences militaires secrètes et de psychiatrie anti-psychanalytique est en train de faire basculer le monde entier dans une violence irrémédiable. Le récit ne manque pas de scènes-choc, mais n'est pas à la hauteur en ce qui concerne la stimulation intellectuelle.

Pascal J. THOMAS

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