Connexion

Les critiques de Bifrost

Blanc comme un Astéroïde

Philippe HEURTEL
OEIL DU SPHINX
176pp - 16,20 €

Critique parue en avril 2012 dans Bifrost n° 66

Il y a des écrivains à ce point discrets qu’ils mériteraient des baffes. Philippe Heurtel en fait partie. Voilà plus d’une quinzaine d’années qu’il écrit et publie, souvent dans des supports amateurs aux tirages des plus restreints, et qu’il bâtit au fil des ans une œuvre qui mériterait pourtant une audience bien plus large. Et ce n’est sans doute pas la parution de Blanc comme un astéroïde, son troisième recueil de nouvelles aux confidentielles éditions de L’Œil du Sphinx, qui changera quoi que ce soit à cet état de fait, et il est malheureusement probable que la grande majorité des lecteurs de science-fiction continuera d’ignorer son existence.

L’autre erreur à ne pas faire à propos de Philippe Heurtel serait de ne voir en lui qu’un écrivain potache, simple auteur de courtes nouvelles à chute plus ou moins rigolote. On trouve certes quelques textes de la sorte au sommaire de ce recueil, mais on y trouve surtout des nouvelles bien plus roboratives et abouties. Des récits humoristiques et satiriques pour la plupart, où l’auteur s’approprie tous les stéréotypes du genre qu’il aborde pour les tourner en dérision avec une inventivité qui fait plaisir à lire. C’est le cas par exemple avec « Objets du désir », première nouvelle du recueil et seul inédit au sommaire, enquête criminelle dans un univers cyberpunk peuplé d’IAs aussi omniprésentes que caractérielles, avec « Les Trois petites victimes et le grand méchant Psyko », situé dans le même univers que son roman Psykoses (éd. Rivière Blanche), qui revisite le conte pour enfants en mode slasher, ou encore avec « L’Affaire Sandra Lion », réécriture des mésaventures de Cendrillon en forme de roman noir. L’exemple le plus farfelu en est sans doute « Achille contre Zénon », histoire de super-héros masqué dans la grande tradition du genre, si ce n’est qu’elle se déroule au temps de la Grèce Antique.

Bien entendu, lorsqu’on parle de science-fiction humoristique, on ne peut s’empêcher de penser au Galaxy des années 50 et aux grands nouvellistes qui ont fait son heure de gloire, Robert Sheckley en tête. Plusieurs nouvelles au sommaire, parmi les meilleures, se situent dans ce registre, comme « Contre-inférences », qui imagine un monde où les effets précèdent les causes, et pousse cette logique absurde jusque dans ses derniers retranchements, ou « La Question de madame Pandore », variation amusante sur une idée développée autrefois par Clifford D. Simak dans « Le Zèbre poussiéreux ». On rangera dans la même veine les trois derniers textes du recueil, contant les malheurs à répétition de deux contrebandiers de l’espace, Hamilton et Murphy (rebaptisés on ne sait trop pourquoi Williamson et McMurphy dans la dernière nouvelle), doués comme personne pour se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Tout cela n’a d’autre prétention que de faire rire ou sourire le lecteur, ce qui, l’air de rien, requiert une sacrée dose de finesse et de talent, et dans l’ensemble le contrat est rempli haut la main.

Philippe BOULIER

Ça vient de paraître

Les Armées de ceux que j'aime

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 116
PayPlug