En 2053, quelque part en Irlande, Logan Hartnett, chef des Fancys, la bande qui a la mainmise sur la ville (imaginaire) de Bohane depuis plusieurs années,voit resurgir du passé son vieux rival, Le Gant, l’ancien amant de son épouse Immaculata. Le quinquagénaire doit aussi faire face à une révolte larvée d’une bande adverse sur fond de violence, de prostitution généralisée et de trafic de drogues systématique. Et derrière tout cela veille la mère du protagoniste, Girly, quatre-vingt-dix ans, aussi coriace que le fils.
Bohane, sombre cité évoque tant bien que mal un futur qui n’est finalement qu’un prétexte pour poser le décor d’une cité fantasmée. Kevin Barry ne se cache pas des influences multiples qui traversent le roman. On ne peut s’empêcher en effet de penser aux lourds échos de Gangs of New York de Scorsese, ou au mélange sulfureux d’un Sin City première mouture. Et il faut reconnaître qu’une certaine force d’évocation sert le propos d’une histoire qui se parcourt sans déplaisir, un personnage dominant par sa présence tous les autres – même si ce n’est pas difficile, nous le verrons plus loin –, celui de la mère.
Restent les tics d’écriture agaçants de l’auteur, le style télégraphique dont il saupoudre parfois ses paragraphes, comme s’il voulait s’en débarrasser ; le choix scénaristique consistant à ne dévoiler l’identité du narrateur qu’au deux tiers du récit, nous mettant longtemps dans l’inconfort d’interpellations répétées que l’on situe finalement mal dans le temps et l’action du roman ; ce même choix scénaristique n’apportant rien à l’intrigue ; le parti pris facile de Kevin Barry de s’économiser certaines scènes d’envergure par le biais d’un compte rendu indirect, celui d’un témoin, seule la foire d’Août (et sa chèvre…) lui paraissant digne d’un développement ; le trop grand accent mis sur l’apparence extérieure de chacun des protagonistes, trahissant au bout du compte un curieux retrait de l’écrivain, une distance un peu floue vis-à-vis de ceux qui peuplent son texte ; partant, le manque d’épaisseur de la plupart des personnages, et peut-être de l’histoire elle-même ; enfin, ce choix inutile de placer la ville de Bohane dans un futur qui n’est pas crédible un seul instant, qui ne vit pas, parce qu’il ne détermine en rien les enjeux du livre, ni ne les caractérise. N’est pas écrivain de science-fiction qui veut.
Le communiqué joint à l’exemplaire du service de presse mentionnait dans un bel ovale tracé à l’encre rouge : premier roman.
Il était en effet préférable de le préciser.