Cixin LIU
ACTES SUD
448pp - 23,00 €
Critique parue en janvier 2020 dans Bifrost n° 97
Parce qu’il voit ses parents mourir sous ses yeux, frappés par une boule de foudre, le jeune Chen décide de vouer son existence à comprendre comment cet événement a pu avoir lieu. Aussi mène-t-il des études scientifiques de plus en plus poussées afin d’appréhender ce phénomène naturel mal connu — et donc maîtrisé – qui, au regard de sa rareté, intéresse peu les divers organismes de recherches. Il lui faudra faire montre de persévérance et d’abnégation, tenter de convaincre ses tuteurs successifs du bien-fondé de son intérêt – et trouver le concours d’une jeune femme, passionnée comme lui par le sujet. Mais il lui faudra aussi faire des compromis avec sa morale ; le sujet intéressant peu la recherche, c’est du côté militaire qu’il trouvera des subventions. L’armée ayant bien sûr une motivation avouée : faire une arme de cette forme bien particulière de foudre…
On attendait beaucoup du nouveau titre de Liu Cixin après l’énorme succès de sa trilogie du « Problème à trois corps », SF chinoise aussi passionnante qu’efficace ne rechignant pas à l’emploi de quelques grosses ficelles. Boule de foudre – dont le titre français laissera longtemps songeurs les amateurs de mauvais jeux de mots et autres contrepèteries – vient donc aujourd’hui compléter la bibliographie de l’auteur. On ne se fiera pas au copyright de 2018 en début d’ouvrage : il s’agit d’un roman écrit vers 2001 et publié en 2004, soit avant le volume initial de sa célébrissime trilogie. La précision n’est pas superflue, car cela se ressent à la lecture de l’ouvrage – d’une naïveté désolante. Bien sûr, son personnage principal a quatorze ans au début des faits ; on ne peut attendre qu’il se comporte comme un adulte. Mais tout de même ! Une telle naïveté ! Pire, le déroulement de ses avancées scientifiques est invraisemblable : il est bloqué dans une démonstration théorique ? Pas grave, il fait la fort opportune rencontre d’un savant génial qui trouve un nouvel angle d’approche. Il lui manque des crédits pour poursuivre ses recherches ? Aucun souci, sa copine connaît du monde, passe un coup de fil et l’argent coule à flot. Des grosses ficelles qui se déplient durant les 450 pages (!) que compte ce très dense pavé – voilà qui fait tache pour un ouvrage qui se veut une exploration hard science de la foudre en boule. D’autant que si le postulat est contestable, ladite foudre en boule échappant encore à la compréhension humaine, Liu Cixin gère plutôt bien les extrapolations scientifiques, et son imagination génère des développements inattendus toujours étayés par des raisonnements certes fantaisistes, mais au vernis de crédibilité. Ce qui accentue davantage encore l’incohérence de certains personnages ou les dei ex machina à répétition.
Une déception que ce roman, en somme : beaucoup trop gros et indigeste, trop improbable dans son développement, il dessert une thématique qui ne manque pourtant pas d’intérêt tant elle tape en plein dans la suspension d’incrédulité – les manifestations de la foudre en boule, décrites comme réellement observées selon son auteur, sont parfois très déstabilisantes — chère à la meilleure des SF.