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Les critiques de Bifrost

Boulevard de l'infini

Christian VILA
FLEUVE NOIR

Critique parue en juillet 1999 dans Bifrost n° 14

Tout commence avec la rencontre entre Search and Destroy et Laetitia Dante. Le premier est un tueur ayant renoncé à la vie de chair pour s'établir en permanence sur le Boulevard Virtuel (l'avatar du réseau mondial qui sert de support cyber à ce roman de Vilà, ainsi qu'à au moins un autre paru dans la série, Iceflyer). La deuxième n'est qu'une belle Passante, dont l'identité réelle restera longtemps mystérieuse… mais qui doit compter pour quelqu'un, à en juger par la cour qui l'entoure.

Tout se transforme quand un attentat d'ampleur mondiale coupe les accès publics au Boulevard, et menace de mort le milliard d'humains qui étaient, simples Passants, connectés au réseau au moment de la grande coupure. Entre dans la danse Waller Martin, patron de la police mondiale, et tout un écheveau d'intrigues politiques. Le conflit de base : la rivalité entre la Synarchie, pouvoir des intelligences artificielles relayées par des humains à leur dévotion, et les partisans du pouvoir aux humains, parmi lesquels le président planétaire, mais aussi le CIRCO, un bureau d'études superpuissant consacré à la recherche de pouvoirs parapsychologiques dans l'espèce humaine — seule manière de contrer les intelligences artificielles.

Christian Vilà est un vieux renard de la SF et de la littérature populaire en général, qui a connu l'époque (les années 80) où le Fleuve Noir Anticipation, au sortir d'une longue période de pruderie, exigeait les scènes de jambes en l'air à un rythme régulier dans les ouvrages qu'il publiait. Ici, le rythme en est effréné, au point qu'on se demande par moments si l'auteur n'a pas recyclé un scénario de porno soft. Bien fichu, mais finalement très convenu (et l'auteur se rend compte des clichés qu'il charrie, voir p. 146 par exemple). En tout cas, cela ne fait pas beaucoup avancer l'intrigue policière ou SF, qui se réveille sur les 100 dernières pages à grand renfort de pouvoirs parapsychologiques imprévus, d'opérations informatiques peu connues et de pavés explicatifs.

Rien qui donne l'impression d'un roman soigneusement construit. L'univers informatique de Vilà, dépendant qu'il est des drogues (l'auteur nourrit une visible admiration pour le LSD) pourrait rappeler celui de Roland Wagner. Mais il lui manque les (jubilatoires) pseudo-justifications cosmopsychiques de ce dernier pour justifier des bizarreries comme le rôle de molécules matérielles dans l'environnement virtuel. Ne reste finalement qu'un roman de littérature populaire touillant les thèmes à la mode avec compétence, mais sans beaucoup d'intérêt.

Pascal J. THOMAS

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