Patrice LOUINET, Robert E. HOWARD, Rusty BURKE, Garry GIANNI
BRAGELONNE
496pp - 22,40 €
Critique parue en octobre 2016 dans Bifrost n° 84
Bran Mak Morn, sombre roi d’un peuple sur son déclin, les Pictes. L’homme noir, dernier rassembleur des clans, ne renonçant jamais malgré la menace des Romains et celle, plus grande encore, de l’oubli.
Le décor ? La Calédonie, entre le deuxième et le troisième siècle de notre ère. Une terre oubliée, une époque oubliée, un peuple oublié, à peine un nom dans les chroniques latines qui nous sont parvenues : picti, les Pictes. Cette rêverie sur des tribus dont en vérité il ne savait rien ou si peu a traversé l’œuvre et la vie de Robert Howard, de Brule le tueur à la lance, compagnon de Kull de Valusie, jusqu’à Bran Mak Morn et même au-delà.
Bran est roi, comme Conan ou bien Kull, mais il règne sur un peuple dégénéré, sauvage, ombre de l’ombre de ce qu’il fut, faisant face à la plus grande puissance de son temps : Rome. Bran Mak Morn se bat, mû par une fierté folle, par l’illusion peut-être que la grandeur des Pictes pourrait un jour revenir. Les récits le mettant en scène sont ceux d’une lutte désespérée, de combats gagnés au prix de l’utilisation d’une magie étrange (« Les Rois de la nuit ») ou de compromissions terribles (« Les Vers de la terre »). Les histoires de Bran Mak Morn sont au croisement de l’aventure fantastique et de ces récits historiques pleins de sang et de fureur dans lesquels Howard excelle. Elles sont amères, brutales et sans concession, et, de toutes celles que le Texan a écrites, les favorites de l’auteur de ces lignes. Par la qualité des récits, déjà, par l’originalité de leur décor, mais aussi parce que l’histoire du peuple picte permet à Howard de tirer un fil rouge de sang et de batailles à travers son histoire du passé. Ils relient les temps antédiluviens où régnaient des choses proches des Grands Anciens, à l’époque de Kull, puis à celle de Conan (dont les Pictes sont les pires ennemis), jusqu’à notre ère, l’histoire la plus significative à ce titre étant « Les Rois de la nuit » déjà citée, qui voit apparaître Kull l’Atlante en guest-star ! Quand pour de nombreux auteurs le cross-over est un exercice maladroit, Howard fait de cette histoire un grand récit de bataille et un beau vertige littéraire. On retrouvera les Pictes et Bran Mak Morn (en quelque sorte) jusque vers l’an mille dans le récit « L’Homme noir », mettant en scène Turlogh O’Brien.
La sympathie constante de Robert Howard pour ce peuple sombre, sauvage et vaincu dit beaucoup à son sujet. C’est à travers eux que je me suis pris à aimer le Texan.
Les histoires à lire absolument : « Les Vers de la terre », « Les Rois de la nuit ». Je dirais même : si vous ne connaissez pas Robert Howard et que vous ne devez lire qu’un seul livre de lui, prenez Bran Mak Morn.