Stéphane PRZYBYLSKI
DENOËL
496pp - 22,00 €
Critique parue en avril 2023 dans Bifrost n° 110
D’une taille plus raisonnable que son précédent projet, pour mémoire la monumentale tétralogie « Origines » (quatre tomes parus au Bélial’, désormais disponibles chez Pocket), le nouvel opus de Stéphane Przybylski reste cependant enraciné au cœur de la matière historique, sujet de prédilection d’un auteur par ailleurs connu pour des essais d’histoire militaire.
Délaissant les petits arrangements des complotistes avec l’Histoire, il pointe sa focale sur l’uchronie, plantant le décor de la divergence en pleine guerre civile américaine. Événement traumatique, et à bien des égards fondateur pour l’identité états-unienne, le conflit fratricide opposant le Nord et le Sud détermine en partie la trajectoire de la superpuissance, posant à la fois les premiers jalons de la guerre industrielle moderne, dont les premier et second conflits mondiaux ne sont que les développements ultérieurs, et de la domination américaine sur l’histoire mondiale.
D’une manière astucieuse et malicieuse, Stéphane Przybylski choisit de gauchir le déroulement des faits par l’entremise d’un trio d’aventuriers européens, en disgrâce avec leur nation d’origine. Ferenc von Richter, le jeune Prussien envoyé en qualité d’observateur par son gouvernement, Tchernikov, l’anarchiste russe et Morleau, l’ex-combattant de la Légion étrangère, joignent leur courage et leur science au combat de Mahpiya Ilé, le guerrier et shaman amérindien. Ils conçoivent ainsi une arme à faire rougir von Zeppelin lui-même, voire à faire enrager Robur-le-Conquérant, l’ennemi des « ballonistes » chez Jules Verne. Avec un enjeu simple : retourner le sort des armes, défavorable pour le Sud, afin d’empêcher la reconstitution de l’Union. De quoi gagner du temps pour les Amérindiens en ralentissant la conquête de l’Ouest et sa mise en coupe réglée par les financiers et industriels du Nord. De quoi également assurer à Maximilien d’Autriche l’aide européenne nécessaire à son installation à la tête de l’Empire du Mexique. De quoi, enfin, bouleverser l’ordre mondial, en grande partie en devenir à cette époque.
Malin jusqu’au bout, Stéphane Przybylski ne nous fait pas la leçon. Il brosse un tableau nuancé du conflit et de son contexte, soulignant la duplicité du discours des uns et l’ambivalence des intérêts des autres. Vif, enlevé, le rythme n’incite aucunement à la monotonie. Bien au contraire, l’auteur s’amuse des ressorts du roman d’aventure, du western et de l’uchronie, mêlant histoire réelle et contrefactuelle avec un réel plaisir et une connaissance solide des faits. On s’enthousiasme ainsi des péripéties vécues par les personnages fictifs et réels, s’inquiétant de leur situation lors des cliffhangers et des morceaux de bravoure qui émaillent un récit dont le souffle ne faiblit à aucun moment.
Burning Sky apparaît donc comme un page-turner qui remplit pleinement son office, où uchronie et western se conjuguent avec bonheur, conférant une légère touche politique, dans la meilleure acception du terme, au propos de l’auteur. On en redemande !