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Les critiques de Bifrost

Cantique pour les étoiles

Cantique pour les étoiles

Simon JIMENEZ
J'AI LU
480pp - 22,00 €

Bifrost n° 104

Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104

L’Humanité, ou du moins ses représentants les plus riches et privilégiés, ainsi que leurs employés, a fui il y a mille ans une Terre en proie à un effondrement écologique et une montée des océans, s’établissant sur de luxueuses stations spatiales et exploitant de façon rapace des mondes-ressources. Le déplacement entre les étoiles se fait via la Poche, dimension alternative parcourue de courants générant des flux temporels différents. Pour les équipages des vaisseaux, le voyage entre deux systèmes représente quelques semaines, alors que pour l’univers extérieur, des années ou des décennies s’écoulent. Nia, capitaine de cargo, ramène vers la civilisation un enfant mutique dont la capsule s’est écrasée sur un monde primitif. Un personnage important va alors lui demander de le cacher aux confins de l’espace régi par les corporations, car elle pense qu’il possède le don de Saut, la translation instantanée et sans machinerie entre deux points de l’espace, une faculté que les multiplanétaires convoiteraient avidement…

La quatrième de couverture souligne une parenté avec les œuvres de David Mitchell et Gabriel Garcia Márquez, mais omet la comparaison qui, à la lecture, crève pourtant les yeux : celle avec le cycle des « Cantos » de Dan Simmons. Le premier chapitre est ainsi un décalque de l’histoire de Siri et Merin, en inversant les rôles : ici, c’est Nia qui est une Siri qui ne vieillit pas et voyage dans les étoiles, puis qui devient, pour l’enfant, exact reflet d’Énée (c’est son sang qui donnera à l’Humanité le don de Saut spatial instantané), au genre près, une version féminine de Raul. Et les parallèles ne s’arrêtent pas là, même si la place nous manque pour développer. À un point tel qu’on frôle la réécriture (progressiste : les thématiques écologiques et anticapitalistes sont omniprésentes).

Si on ajoute à cela une narration qui varie les modes (y compris épistolaire), les points de vue, les personnages et les ambiances, parfois radicalement différentes, d’un chapitre à l’autre, on se retrouve devant un roman qui, sans être mauvais (la dernière partie étant la meilleure, la plus poignante), notamment sur le plan du style, invariablement agréable et occasionnellement traversé d’impressionnantes fulgurances, pose question quant à l’intérêt à lui accorder. L’admirateur de Simmons n’y trouvera ni la virtuosité ni l’impact émotionnel ni la singularité de l’œuvre du Maître ; le débutant sera plus inspiré de lire l’original plutôt que l’ersatz ; seul, peut-être, l’allergique aux positions idéologiques de Simmons trouvera-t-il de la valeur dans cette réécriture sans grande saveur (à part sur la fin, on l’a dit, sans pour autant avoir l’impact du sort d’Énée), agréable à lire mais presque aussi vite oubliée, d’un des plus grands chefs-d’œuvre de la SF.

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