Capitaine Fuck. Rien que le titre peut faire rêver tellement il dégouline de panache et autres potentialités réjouissantes. Les rares pages trouvées concernant Philippe Tagli sur internet attisent elles aussi la curiosité : l’auteur est avant tout un photographe doué. Son art montre les banlieues telles qu’on ne les voit jamais de l’extérieur. Il illustre ses clichés de poèmes en prose plutôt bien assortis et dispense un discours à la fois respectable et éclairant sur la vie en cité. En connaissance de cause puisque lui-même y réside. Mais voilà.
Sitôt une trentaine de pages tournées, le capitaine Fuck, héros dépressif de l’espace et des banlieues, chargé à bloc de cigarettes mentholées et de THC, perd la totalité de son capital sympathie. Son combat aux côtés des « Forces du Freedom » contre les « forces d’Ordre et de Valeur » et leurs divisions « BAC » échoue à capturer l’attention. Ses aventures cousues de fil blanc épuisent le lecteur de répétitions, de digressions et de clins d’œil avariés. Au point qu’on en vient à se demander si l’ouvrage n’a pas été rédigé sous l’emprise d’une drogue un peu trop puissante après un visionnage halluciné de quelques épisodes d’Albator entrecoupés de news sur LCI. Dommage. On devine la transposition, on sent le cri qui vient du cœur et on voit le tout se noyer dans un chaos sans fin, absolument hors de contrôle.
On s’agace par ici : « Il récupéra des Muslims de l’espace qui s’affrontaient à des juifs, eux aussi de l’espace, depuis toujours. » (sic)
On se fâche par là : « L’escadrille de jet de combat aux têtes cramées ravagées de vitesse dans laquelle planait Capitaine Fuck avant le commandement de son cuirassé, s’était fait déchirer. » (sic aussi)
Au fil des pages, la langue française est maltraitée de toutes les manières possibles : ponctuation écartelée, grammaire découpée en rondelles, orthographe sacrifiée — on se gardera d’énumérer l’ensemble des sévices subis. « Il la prit longuement comme une feuille de papillon, savourant son léger souffle, la violence de l’orgasme mutante, ce n’était plus pour lui. » Oui, ça, on avait remarqué. Merci.
Avant de passer notre chemin après une pause un peu trop longue en ces contrées peu reluisantes, on s’interrogera sur le sérieux des éditions Baleine qui osent proposer un torchon pareil dans un format de poche (17,8 x 11 x 3,2) pour le prix incroyable de 20 euros…
Fuck !