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Les critiques de Bifrost

Capitale Songe

Capitale Songe

Lucien RAPHMAJ
EDITIONS DE L'OGRE
20,00 €

Bifrost n° 101

Critique parue en janvier 2021 dans Bifrost n° 101

Futur pas si proche. Une île artificielle, Capitale S, abrite au long de ses cinq quartiers aux ambiances variées toute une population hétéroclite d’humains plus ou moins cyborgisés et d’Intelligences Vectorielles (les descendantes des intelligentes artificielles d’antan), qui se nourrissent des rêves des humains. Dans ce décor interlope, les trajectoires de trois protagonistes vont se croiser. D’un côté, Vera rejoint la Dreamsquad, organisation rebelle ayant pour but d’abolir le sommeil et donc affamer les IV. De l’autre, C-29, un « dissimulacre » – être artificiel dont l’existence consiste à servir de réceptacle pour les IV lors de leurs incursions dans le monde réel –, erre dans Capitale S, cherchant à libérer ses semblables du joug de leurs maîtres. Il y a enfin Kiel Phaj C Kaï Red, autre dissimulacre conçu par la puissante IV Nova, qui va plonger dans les bas-fonds les plus ténébreux de l’île. Ces trois personnages vont se croiser de loin en loin, chacun lancé dans des quêtes parallèles dont les enjeux, majeurs, vont se révéler peu à peu…

Les éditions de l’Ogre se sont fait la spécialité de publier des textes de SF cherchant à amener le genre vers d’autres territoires (cf. Les Machines à désir infernales du Docteur Hoffman d’Angela Carter, Ravive de Romain Verger ou La Maison des épreuves de Jason Hrivnak, critiqués dans les Bifrost 83 et 86). Cela, au risque de perdre le lecteur au passage, et ce premier roman de Lucien Raphmaj n’y fait pas exception. On ne pourra pas dénier l’ambition de Capitale Songe, sorte de Blade Runner biopunk en plein trip onirique post-exotique, d’autant que sur le papier, tout est là pour séduire : une île artificielle, des IA d’un autre type, un nouveau stade du capitalisme dans lequel les rêves sont devenus une ressource exploitable, un récit porté par une écriture élégante, riche en inventions lexicales (un glossaire d’une vingtaine de pages, établi par un narrateur un brin désinvolte, figure au cœur du livre). Las, comme dans tout rêve, l’obscurité et le flou règnent en maîtres incontestés dans Capitale Songe. Pour qui cherche une histoire clairement dessinée ou des personnages approfondis, ce roman volontiers expérimental déroutera. Le projet est intéressant en tant que tel, mais l’exécution risque fort de ne plaire qu’au plus exigeant des lecteurs.

Erwann PERCHOC

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