Carcoma : si ce terme espagnol entretient une trouble ressemblance avec carcinome, une définition en quatrième de couverture se charge de nous détromper, puisqu’il désigne les vers à bois ainsi qu’une « préoccupation constante et grave qui vous consume, vous ronge peu à peu. » (Bon, l’analogie avec le cancer n’est pas si capillotractée.) De fait, c’est sous le signe du ressassement que se lit ce premier (court) roman de l’autrice madrilène Layla Martínez.
Quelque part en Espagne, de nos jours. Après avoir été interrogée par la police suite à un événement tragique dont on apprendra peu à peu la nature, une femme retourne dans la maison familiale, qui n’a été, pour ainsi dire, que peuplée par des femmes — quatre générations s’y sont succédées — et où ne vit plus qu’une insaisissable grand-mère. Ici, les murs grincent, les portes claquent inopinément, on pourrait croire les lieux hantés, d’autant que les époux ont une fâcheuse tendance à mourir jeunes. Alternant au fil des chapitres les voix de la grand-mère et de sa petite-fille, Carcoma dévide peu à peu leurs histoires respectives, âpres, faites d’emprise, de domination — celle des hommes, celle du franquisme, celle des riches — et de vengeance. Jusqu’à une fin, aussi incorrecte moralement que libératoire.
Les lecteurs cherchant les effusions d’hémoglobines et les fantômes hargneux en seront toutefois pour leurs frais. Si fantastique il y a, celui-ci est discret et ne s’exprime qu’au travers de charmes peut-être magiques et d’une armoire un rien trop grande. Au-delà de cette question de genre, Carcoma demeure une lecture prenante et brutale.