[Critique commune à Ce qui relie et Étoiles sans issue.]
Si l’on considère que la parution d’un nouveau roman de Laurent Genefort est toujours une bonne nouvelle, on peut en conclure que la parution de deux nouveaux romans de Laurent Genefort le même mois – lequel ne compte pourtant que vingt-huit jours – est une invitation aux effusions les plus débridées. Surtout quand l’un comme l’autre relèvent du space opera, genre dans lequel l’auteur excelle.
D’un côté, nous avons Étoiles sans issue, deuxième titre de la nouvelle collection de SF des éditions Scrinéo s’adressant plus volontiers aux young adults, qui met en scène une course-poursuite interplanétaire sur fond de coup d’État. De l’autre, Ce qui relie, premier tome de la trilogie baptisée « Spire », qui narre les mésaventures d’un duo d’aventuriers tentant de monter leur propre compagnie de transports galactique.
Proches sur la forme, en particulier dans leur façon d’enchainer les scènes d’action inventives et rythmées, les deux romans s’avèrent plus différents sur le fond qu’il n’y paraît à première vue, notamment en raison des héros qui les animent. Palestel, le héros d’Étoiles sans issue, se trouve plongé au cœur d’une intrigue qui le dépasse absolument. Dans une société divisée en castes et strictement hiérarchisée, il se trouve au plus bas de l’échelle sociale. Mais lorsque le souverain de l’acumen est victime d’un attentat, il va bien malgré lui focaliser l’attention de toutes les factions qui s’affrontent pour s’emparer du pouvoir et se trouver bringuebalé d’un monde à l’autre sans jamais avoir la moindre prise sur les événements qu’il subit. À l’inverse, Lenoor et Hummel, les héros de « Spire », prennent dès les premières pages du récit leur destin en main lorsqu’ils décident de ne plus se laisser exploiter par leur actuel employeur pour créer leur propre compagnie de transport interplanétaire. Ce qui relie raconte les premières années de leur opération et les nombreuses embûches qui jalonnent leur parcours.
La nature radicalement différente du comportement de ces personnages impacte fortement la dynamique de ces deux œuvres. Étoiles sans issue est un roman très linéaire, dans lequel se succèdent les tentatives de meurtre ou de capture de Palestel? ; Ce qui relie ne cesse de prendre des détours inattendus, passant de l’exploration planétaire aux manigances économiques, du space opera au thriller corporate. Une impression renforcée par sa construction aux allures de fix-up. À la lecture, on pense beaucoup à Robert Heinlein et à ces aventuriers entrepreneurs qui furent les héros de quelques-uns des plus beaux moments de son « Histoire du Futur ». Plus généralement, ce roman se nourrit de nombre de classiques du genre, et leur rend hommage à travers divers clins d’œil plus ou moins appuyés.
De son côté, Étoiles sans issue propose quelques idées intéressantes qu’il peine à développer de manière satisfaisante. Ainsi, la société qu’il imagine ne constitue jamais autre chose qu’une toile de fond au récit. Belake, la femme lancée aux trousses de Palestel, affiche d’emblée un pedigree prometteur et singulier dans un tel univers, mais se révèle au final on ne peut plus monolithique. Quant à la relation qui unit Palestel au clone de son ex-femme, l’un des éléments centraux de l’intrigue, la distance qui sépare les deux personnages ne permet pas à l’auteur de la développer de manière pleinement satisfaisante.
Qu’on ne s’y trompe pas : Étoiles sans issue est un bon roman, rythmé et efficace. Mais au petit jeu des comparaisons, il ne tient pas la distance face à Ce qui relie, lequel s’affirme in fine comme l’un des plus réussis et des plus attachants de son auteur.