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Les critiques de Bifrost

Central Station

Central Station

Lavie TIDHAR
MNÉMOS
256pp - 20,50 €

Bifrost n° 114

Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114

Peut-être avez-vous déjà repéré la plume de Lavie Tidhar avec Aucune terre n’est promise, paru au label Mu (Mnémos) en 2020, Osama (Eclipse, 2013) ou encore Quand un homme rêve (Terra Nova, 2017). Peut-être souhaitez-vous aussi replonger avec lui dans un futur (très) lointain, à Central Station, zone inspirée par la gare routière de Tel Aviv et ayant donné lieu à une quinzaine de textes, publiés entre 2011 et 2016, et ici rassemblés.

Central Station forme donc un fix-up, dont les nouvelles figurent dans leur ordre de parution – un choix plutôt réussi. La progression narrative prend en considération différentes thématiques, comme celle de la famille : multiculturelle, qui se compose, se recompose, se quitte et se choisit à nouveau, qu’elle vienne de la Terre, de la Lune, de Mars ou d’univers virtuels galactiques, bref de partout où l’humanité a pu essaimer. Centrale est aussi l’idée d’une humanité augmentée – on se situe clairement au sein d’un univers cyberpunk – qui a ses succès comme ses échecs, ses lois (et ses pirates) ainsi que différentes façons de devenir cyborg, de naissance, par choix ou par imposition.

Ce qui fait le lien et tout l’intérêt de Central Station, c’est la façon dont nous suivons ces personnages, humains, strigoi, robots, avec leurs doutes, leurs failles, leur spiritualité également. On s’attache à leurs errances, aux retrouvailles et aux croisements de leurs histoires et de leurs origines culturelles : juives, maliennes, arabes et chinoises, et à toute l’avancée de l’humanité qui se dessine en creux, dans leurs échanges comme leurs choix de vie. Leur pluralité de vécus, d’expérience du monde, fait la grande force du livre. Et c’est enfin la plume de Lavie Thidar qui sait convaincre. Faisant appel à tous nos sens, en premier lieu celui du cœur et de la mémoire, l’auteur nous entraîne vers un futur possible – pas un des plus reluisants, certes, mais l’auteur le fait avec tendresse, sans manichéisme ni naïveté. Il joue également avec son lectorat en glissant çà et là des références à des œuvres de SF l’ayant précédé… et à un personnage qu’il retrouvera par la suite : l’écrivain Lior Tirosh.

Deux bémols, cependant : il est surprenant de ne pas retrouver dans l’édition française la carte de Central Station qui ouvre le volume paru en anglais, affichant clairement l’inspiration géographique de l’auteur ; auteur dont il n’est fait mention nulle part de la triple citoyenneté (Israël, Royaume-Uni et Afrique du Sud).

Plus frontalement, plus de dix ans après sa parution, ces textes résonnent de façon parfois douloureuse, dans un contexte géopolitique particulièrement mortifère, et un vertige peut nous saisir… sans pour autant défaire l’espoir d’apaisement futur qui existe au sein de Central Station.

Eva SINANIAN

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