À l’intention de celles et ceux à qui aurait échappé la « saison 1 » de Ces guerres qui nous attendent (cf. Bifrost n° 109), rappelons qu’il s’agit là non pas d’un feuilleton télévisuel, mais d’une entreprise livresque. Initiée par le ministère français des Armées, celle-ci réunit (sans surprise) des militaires, mais aussi des universitaires ainsi que des artistes, tous et toutes étant chargés de spéculer sur les formes à venir de la guerre. Se sont notamment portés volontaires pour mettre en mots et en images ces conflits du futur des figures fameuses de l’Imaginaire francophone telles que Laurent Genefort, Romain Lucazeau, et François Schuiten. Tous trois font partie de la Red Team Défense (soit l’escouade civile participant de la susdite entreprise, les militaires formant quant à eux la Blue Team) ayant œuvré à cette « saison 2 »de guerres susceptibles d’éclater entre 2030 et 2060…
Ainsi que l’annonce sans ambiguïté l’inscription par les éditions des Équateurs de cet ouvrage dans leur collection dévolue aux documents, il n’est en réalité pas question ici de littérature. Du moins si l’on entend celle-ci comme un art narratif s’appuyant sur un usage esthétique de l’écriture. La faute n’en incombe pas aux écrivains venus en renfort de la Red Team, et dont Bifrost a régulièrement salué l’indéniable talent littéraire. Mais ce n’est manifestement pas ce dernier qui a intéressé le ministère des Armées en les recrutant. Au terme de la lecture de cette deuxième livraison des Guerres qui nous attendent, force est de constater que n’y a été mobilisée que la seule propension spéculative de ces écrivains de SF. Il ne leur a pas été demandé d’écrire des nouvelles, encore moins des romans, mais des scénarii tenant plutôt du jeu de rôles que du cinéma, des séries télévisées (auxquelles renvoie mercantilement le qualificatif de « saison ») ou de la bande dessinée. Les hypothèses avancées quant à une possible « guerre écosystémique» et une seconde placée sous le signe de la « basse énergie» sont présentées sous la forme de synopsis adoptant le même et immuable schéma allant des causes aux conséquences du conflit, en passant par son déroulement. À ces trames événementielles s’ajoutent des documents apocryphes tels que des extraits de presse ou bien d’un «Manuel du combattant énergétique». S’y joint une poignée d’illustrations achevant d’apparenter l’ensemble à cet agrégat de pistes narratives et de fragments d’univers qu’est un scénario de JDR…
Placée sous le signe d’une écriture d’inspiration ludique, cette « saison 2 » des Guerres… génèrera un intérêt proportionnel à la capacité des lecteurs et lectrices à se prêter au jeu théorique qui y est proposé. Mais si les unes et les autres sont avant tout en quête de plaisir littéraire, la lecture de ces spéculations risque de s’avérer frustrante…