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Les critiques de Bifrost

Cette histoire est pour toi

Cette histoire est pour toi

Satoshi HASE
ATELIER AKATOMBO
352pp - 18,00 €

Bifrost n° 97

Critique parue en janvier 2020 dans Bifrost n° 97

Une histoire forte engluée dans un texte laborieusement scolaire. Voici comment pourrait se résumer les impressions ressenties en tournant la dernière page de Cette histoire est pour toi de Satoshi Hase. Il faut dire que ce spécialiste de l’analyse sémantique et du langage naturel des machines s’est mis en tête d’écrire un roman sur ce qu’il connaît le mieux : une intelligence artificielle basée sur un langage de traduction entre les neurones humains et la programmation informatique. Par conséquent, sur les 352 pages de son histoire, les 150 premières ne sont qu’une exposition extrêmement détaillée de la situation de départ. À savoir, une chercheuse en intelligence artificielle découvre qu’elle souffre d’une maladie auto-immune alors qu’elle vient de créer un programme capable d’inventer des histoires. N’ayant plus que six mois à vivre, elle se jette à corps perdu dans son travail. Et repousse au passage les limites entre l’humain et le logiciel, entre l’être et l’outil.

La réflexion de Satoshi Hase est à la fois passionnante et provocante dans le fond, mais malheureusement, elle se perd dans la forme de la première moitié de son livre. Pour vous faire une idée de cette partie, imaginez Le Tombeau des Lucioles entrecoupé de longs extraits d’un dossier de presse sur le fonctionnement de l’intelligence artificielle et sur les réseaux de neurones avec, pour parachever le tout, les descriptions les plus précises possible des différentes crises de douleurs et autres hémorragies internes de la protagoniste. Si vous avez eu assez d’estomac pour passer la première partie du livre, vous entrerez dans la seconde nettement plus intéressante. C’est ici que le dialogue se noue entre Samantha, la chercheuse et Wanna Be, sa création. Au fur et à mesure qu’elle progresse vers la mort et que lui acquiert une simili-conscience de soi, le dialogue se fait plus riche, plus philosophique, et l’héroïne devient enfin plus attachante. Cela d’autant plus que vous connaissez sa fin dès la première phrase du roman : « Samantha Walker était morte. Par “morte”, il fallait comprendre que l’humaine prénommée Samantha avait vécu. » Cette évolution des relations entre l’homme et la machine récompense largement la première partie. À ce sujet, la confrontation finale entre Samantha l’humaine et Samantha le programme, confrontées toutes deux à la mort imminente, s’avère douloureusement juste sur le rôle restant alloués aux humains biologiques quand de plus en plus de fonctions corporelles sont confiées aux machines. Toutefois, les lecteurs n’ayant pas le courage de se plonger dans les entrailles de la maladie de Samantha, pourront se contenter de voir ou revoir l’intégrale des anime Ghost in the Shell avec des thématiques très similaires, tout en étant nettement moins viscéral.

Stéphanie CHAPTAL

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