Neil GAIMAN, Lucius SHEPARD, Tanith LEE, John C. WRIGHT, Tad WILLIAMS, Matthew HUGHES, Elizabeth MOON, Paula VOLSKY
ACTUSF
432pp - 19,00 €
« […] l’œuvre de Jack Vance d’il y a cinquante ans se détache toujours. C’est une oasis pour l’imagination, un jardin farfelu au milieu d’un marécage. » C’est John C. Wright qui le dit, dans la postface à sa contribution à ce deuxième tome de la gigantesque anthologie « Chansons de la Terre mourante ». Le premier volume avait placé la barre assez haut, et l’on pouvait légitimement se montrer curieux de la suite. Retour, donc, à cet hommage passionné à l’une des plus belles créations vanciennes, avec huit nouvelles pour autant d’auteurs, et non des moindres parfois.
Cela dit, les plus célèbres peuvent se planter… et c’est hélas ce qui arrive dès le texte inaugural, avec « Evillo l’Ingénu » de Tanith Lee, ou l’histoire d’un jeune couillon fasciné par les récits concernant l’astucieux Cugel (on le comprend) ; hélas, si ce texte est référencé, c’est au point d’en être servile ; quant au côté picaresque, il est traité façon sprint : tout va très vite, trop vite, et l’on s’ennuie. Puisqu’on en est aux échecs, enchaînons sur « Gorlion d’Almérie » de Matthew Hughes : c’est dommage, ça partait vraiment bien, cette histoire de type qui se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment, avec beaucoup d’astuce dans la mise en place et le point de vue ; mais le texte devient bien vite incroyablement confus, à vouloir trop en faire dans le baroque. Raté…
Deux récits assez sympathiques, ensuite, encore qu’un peu anodins. Il en va ainsi de « La Tragédie lamentablement comique (ou la comédie ridiculement tragique) de Lixal Laqavee » de Tad Williams, ou les mésaventures d’un petit escroc qui croyait pouvoir se faire un magicien et un déodande ; très amusant, plutôt bien fait, mais la fin donne une vague impression de bâclé. On citera également ici « Incident à Uskvosk » d’Elizabeth Moon, arnaque à la course de cafard orchestrée par un nain obligé de se faire passer pour un gamin ; rigolo, là encore, mais sans plus.
Un cran au-dessus, on trouve Paula Volsky, pour « Les Traditions de Karzh » : juste après la nouvelle de Tanith Lee, c’est une leçon de picaresque vancien plein d’astuce. John C. Wright, dans « Guyal le Conservateur », sait lui aussi pleinement profiter du cadre de la Terre mourante : c’est chatoyant, ça foisonne, bref, c’est vancien et tout à fait délicieux. Un texte légèrement problématique, ensuite, avec « La Proclamation de Sylgarmo » de Lucius Shepard : la nouvelle est indéniablement bonne, le projet ambitieux, l’idée de voir Cugel à travers les yeux de ses ennemis intéressante… mais, même en tenant compte de tout cela, votre serviteur n’y a guère reconnu la sympathique fripouille créée par Jack Vance ; cela dit, indépendamment, cela reste très recommandable. Reste enfin Neil Gaiman… qui fait débuter « Invocation de l’incuriosité » de nos jours, en Floride ! Un récit très bien pensé, d’une évidence élégante, et assurément très efficace.
Bilan plutôt positif, donc, pour ce deuxième volume des « Chansons de la Terre mourante ». Cela dit, on évolue quand même probablement dans une autre catégorie que pour le premier tome : on n’y trouve pas (à part peut-être chez Neil Gaiman, voire John C. Wright ?) de textes aussi marquants, et deux tristes ratages viennent quelque peu plomber le bouquin. Mais cela reste une lecture très plaisante ; hâte, du coup, de lire le dernier volume, avec des gens comme Dan Simmons ou Mike Resnick…