Clément BOUHELIER
CRITIC
22,00 €
Critique parue en janvier 2017 dans Bifrost n° 85
À Paris, de nos jours, une mystérieuse inconnue lâche en pleine Gare de Lyon une fiole. À l’intérieur, une substance hautement contagieuse qui frappe d’une léthargie proagressive tous ceux qu’elle touche. Au bout de quelques jours, les malades sombrent dans l’apathie la plus totale, et se chiffrent par centaines, par milliers. Paris est frappé, puis les autres villes, puis bientôt le reste du monde. Les médecins sont dépassés, et tombent bien vite malades à leur tour. Seules quelques personnes échappent à la contamination, s’organisent en bandes dans la capitale. Parmi ces survivants, ils sont quatre – une actrice porno, un lycéen, un banquier retraité et un jeune assistant parlementaire – à ressentir confusément qu’ils doivent « trouver l’étoile », quelque part dans un Paris de plus en plus désert. Ces quatre individus comprennent bientôt qu’ils ne sont que les jouets de puissances supérieures : les pions d’un homme en blanc, en lutte contre un autre homme aux yeux couleur d’eau polluée. Et que le destin des mondes est en jeu…
Dans la lignée du Fleuve Noir « Anticipation », les éditions Critic axent leur collection de science-fiction sur une littérature de genre populaire, alternant le vieux (P. J. Héraut ou B. Passegué), le vieux rénové (Laurent Genefort réécrivant ses « FNA ») et le neuf, avec Antoine Traqui ou Clément Bouhélier, dont il s’agit ici du premier roman. D’emblée, Chaos marque par son ambition : un bon gros diptyque, le premier volume proposant une véritable fin du monde tandis que le second négocie le virage de la science-fiction. Au-delà de la taille, qu’en est-il ?
Lorsque Chaos décrit la catastrophe, toujours à hauteur d’homme, c’est impeccable. Encore que l’on pourra reprocher à Clément Bouhélier de centrer son action un peu trop sur la capitale et de proposer un échantillon de population pas forcément très représentatif de la société française – en particulier en ce qui concerne le petit groupe de survivants. Mais l’épais premier volume tient cependant son lecteur en haleine, et propose une intéressante variation sur le thème du mort-vivant (enfin, ici plutôt du vivant-mort) au lieu de ressasser les mêmes clichés. Impossible de ne pas penser au Stephen King du Fléau pour Ceux qui n'oublient pas. Quant au second tome, Les Terres grises, il a de faux airs de « La Tour sombre » et, malheureusement, patine un peu. Focalisé sur le petit groupe d’élus perdu sur un monde crépusculaire, les péripéties passionnent moins et le final ne convainc pas. On passe cependant un bon moment de lecture avec ce page turner mêlant les genres, et on se plaît à croire que Clément Bouhélier fera mieux la prochaine fois.