« Ma femme raconte encore avec délices comment son mari, la première fois où il fit son devoir de citoyen, à l’âge encore tendre de vingt et un ans, vota aux élections présidentielles pour Richard Nixon. “Nixon avait dit qu’il avait un plan pour nous sortir du Vietnam, conclut-elle avec d’ordinaire une petite lueur moqueuse dans l’œil, et Steve l’a cru !” » — Stephen King, Introduction à Rêves et cauchemars
Les années 70 furent riches en électrochocs pour la population américaine : au Flower Power succédèrent l’affaire du Watergate et les révélations sans fin apparente sur l’affaire MK-Ultra. Ce projet, mené illégalement par la CIA dès 1953, fut dévoilé au public à partir de 1975 : il consistait notamment en l’étude des manipulations mentales. Les expériences allèrent de l’injection de LSD à des sujets plus ou moins avertis, à des actes de pédophilie destinés à favoriser les troubles dissociatifs de la personnalité chez les jeunes enfants.
En 1977, Stephen King termine le premier jet de deux romans très influencés par cette période bien trouble : un premier, Dead Zone, où il règle son compte à l’homme politique providentiel Stilson/Nixon ; un second, Charlie, qui essaie de rendre compte des horreurs qu’un gouvernement est capable de faire subir à ses administrés et de sa capacité à dissimuler la vérité à une population endormie par les médias.
« Charlie McGee dont les parents, un jour, avaient eu besoin de deux cents dollars. » Stephen King — Charlie
Andy McGee et Vicky Tomlinson tombent amoureux lors d’une expérience pour laquelle ils se sont portés volontaires contre quelques billets verts. On leur injecte une drogue appelée Lot 6 qui modifie les chromosomes et permet le développement de pouvoirs psychiques.
« Imaginez que vous ayez alors une gamine capable de provoquer une explosion nucléaire par la seule force de sa volonté. » ibid.
Les deux cobayes, discrètement surveillés par une agence gouvernementale secrète appelée « la Boîte » finissent par mettre au monde la petite Charlie qui, très tôt, présente de puissants pouvoirs. Tout se gâte quand la mère de Charlie est assassinée lors d’une bavure de la Boîte. Andy et sa fille de huit ans prennent la fuite et n’en reviendront pas indemnes.
« Le délai avait permis d’age-cer tous les éléments disponibles de façon à présenter ce que les habitants des Etats-Unis semblent réellement demander lorsqu’ils prétendent vouloir des “informations”. Ils veulent simplement qu’on leur “raconte une histoire” avec un début, un milieu et une sorte de fin. » ibid.
Malgré un vieillissement certain, des personnages stéréotypés et quelques longueurs pesantes, Charlie, dont le message global est toujours d’actualité et la fin absolument charmante, reste très bien adapté à la plage, à la montagne ou à toute salle d’attente un peu bruyante.