Chroniquer un premier roman n’est jamais chose aisée. On pèse ses mots, on hésite dans son accroche, oscillant entre enthousiasme modéré et agacement tempéré. On tourne le sujet dans tous les sens, guettant l’inspiration, histoire de voir si sa muse s’amuse de ses tourments. Et puis, on finit par lâcher le morceau parce que le rédacteur en chef trépigne d’impatience.
De Chevaucheur d’Ouragan, on ne dira pas que l’on ressort bouleversé. Certes, le roman de Sam Nell ne manque ni d’ampleur, ni d’imagination. Le genre d’ampleur ne demandant qu’à prendre ses aises dans une multitude de suites, comme de coutume en fantasy nous rétorquera-t-on. Une imagination nourrie par les mythes et leurs créatures : stryge, ondine, dryade, minotaure, golem, dragon et tutti quanti. Rien de neuf en définitive.
Le prière d’insérer évoque l’hommage à Michael Moorcock. L’un des personnages emprunte son apparence au prince albinos déchu, comme un clin d’œil adressé à l’auteur britannique. De même, l’ambiance et les ressorts du roman s’inscrivent dans les codes d’une dark fantasy empruntée au multivers moorcokien, lorgnant du côté de l’affrontement entre Ordre et Chaos. Toutefois, point d’antihéros torturé dans Chevaucheur d’Ouragan. Tout au plus croise-t-on quelques archétypes au caractère ambivalent, en lutte contre leur destin. Pas de quoi tomber en pâmoison. Et puis, on pense plus d’une fois à Mathieu Gaborit ou à Michel Robert (au secours !), en particulier L’Ange du chaos (au secours bis !) édité aux mêmes éditions Mnémos.
Quid de l’histoire ? Faisons simple. D’une écriture engluée parfois dans une multitude de fioritures, Sam Nell entremêle trois destins sur fond de guerre cyclopéenne et de complots byzantins. Par ordre d’entrée en scène, Abel de Tyr, yeux gris, teint d’albinos, cheveux blancs. Le bougre tue son spleen dans l’alcool lorsqu’une inconnue lui propose de rejoindre l’avire (le navire volant) de Trestan Vortigern, prince atlante maudit en exil. Il devient ainsi le chroniqueur de ses aventures. Deuxième à entrer en scène, Tres-tan Vortigern, prince de la famille Vortex, Chevaucheur d’Ouragan, corsaire de la Reine des Orages, commandant Le Souffle de l’âme, avire de la flotte atlante. Ce fin de race porte sur/en lui (on ne sait plus) les misères d’une malédiction ancestrale. Un lourd passif qu’il supporte avec une morgue toute aristocratique, la cicatrice qu’il arbore autour du cou brasillant selon ses humeurs. Shi’ndra, jeune dryade affriolante, un peu naïve, pour ne pas dire gourde (trop tard, c’est fait), est la féminine de l’étape. Un rôle assez transparent consistant à passer de mâle en mâle, telle une parure de lit un peu bavarde.
Tout ce beau monde, et quelques autres, embarquent pour un périple qui les mène à l’Observatoire d’Ar-Zalaam, lieu de confluence de toutes les forces élémentaires de l’univers. Naturellement, moult obstacles s’opposent à leurs projets…
Inutile de surcharger davantage une intrigue au parfum entêtant de déjà-lu. Allons à l’essentiel. L’amateur d’épopée chargée d’hormones appréciera Chevaucheur d’Ouragan, même si les enjeux de l’histoire se montrent quelque peu confus, les scènes de combat souvent illisibles et les descriptions percluses de loevenbruckeries. Les crânes qui éclatent dans une gerbe de sang et les membres virils dressés peuvent titiller les zygomatiques.
De son côté, l’adolescent boutonneux délaissera la veuve poignet, le temps d’enquiller l’ouvrage avec passion. Le tout en écoutant, à s’en faire péter les trompes d’Eustache, la playlist composée par Sam Nell lui-même sur le site chevaucheurdouragan.com.
Les autres ? Ils feront comme moi : passer leur chemin.