« Le frottement du ballon sur la terre dominait à présent les lamentations des fleurs et des herbes, les claquements des oriflammes. Les pétales arrachés de leurs corolles volaient en gerbes somptueuses de chaque côté de la proue. Les gouttes d'eau libérées par les nuages éventrés formèrent tout à coup les mailles d'un gigantesque filet déployé au-dessus du plateau… »
Au fil de ses épisodes, la série Rohel le Vioter a vu son niveau régulièrement progresser. Pour « des romans qu'on lit dans le train », la succession de l’Aventurier des étoiles de Tubbs a peu à peu pris un rythme où chaque volume frappe à tous les coups très fort question décors, ceci même si l'intrique parait parfois téléphonée (Rohel débarque sur une planète, il rencontre une femme aux avances de laquelle il s'efforce de ne point céder — à cause de sa bien-aimée qui l'attend au terme de sa quête mais aussi (surtout ?) pour ne pas risquer d'être intoxiqué par les substances dont certaines bougresses s'enduisent la partie la plus intime de leur formidable anatomie — Rohel fracasse le méchant (en général le sous-fifre) et poursuit sa route).
Tout au long des aventures du Vioter, Bordage a également et très progressivement allégé le style fleuri des scènes de sexe, ce qui est tout aussi bien, sans jamais se départir de l'empreinte orientale qui caractérise ses récits, ce qui est encore mieux. La somme s'avère donc classique, pas fatigante à lire — tout en demeurant du pur Borda et en conservant un intérêt indéniable bien au-dessus des standards imposé par la littérature dite « de gare ».
Or donc, en ce qui concerne Chœur du vent, Rohel le Vioter poursuit son voyage de retour vers sa bien-aimée, détenue en otage par l'envahisseur Garloup, armé du Mentral (formule mentale dévastatrice) dérobée à l'Église du Chêne Vénérable, et de l'épée (magique) Lucifal, seule arme capable de venir bout des Garloups. Abattu par des pirates à la solde du Chêne Vénérable et d'une Intelligence Artificielle, le héros atterrit sur Kabmsin, planète interdite par des sondes automatisées à tous autres que les membres du Chœur du Vent, seuls aptes à survivre aux tempêtes musicales.
Bordage au mieux de sa forme d'une fantaisie (attention, je n'ai pas dit fantasy) épique aux décors et aux harmonies splendides, avec plusieurs morceaux de bravoure très réussis (la chevauchée des dirigeables, le martyre de Xandra la valkyrie…) et quelques passages assez croustillants (comme le dégraissage en règle dudit chœur du vent). Une écriture parfaitement rodée pour un space opera coloré et, comme de coutume, épicé.