Dans ce recueil de nouvelles, Thomas Geha nous plonge aussi bien dans les légendes arthuriennes que dans les légendes bretonnes, sans oublier les contes classiques. Néanmoins, « Chuchoteurs du dragon », la nouvelle qui ouvre le recueil, relève pour sa part de l’ heroic fantasy : au royaume de l’Esflamme, une jeune fille ordinaire est choisie par le dragon pour être la future Reine – un dragon qui ne se montre toujours qu’en rêve ou sous la forme d’un tatouage à l’encre rouge qui apparaît mystérieusement sur le corps de la jeune fille, indiquant ainsi qu’elle est l’élue. Les énigmatiques Chuchoteurs viennent la chercher, mais l’affaire se corse lorsque l’on apprend qu’elle a une liaison avec le maître d’arme des Chuchoteurs…
Des contes, donc : « Le briquet » de Hans Christian Andersen est ici réinventé en version beaucoup plus courte avec un final bien différent, ou encore le fameux « Les trois petits cochons » dont l’auteur prend à revers le destin du troisième porcelet, en nous montrant que ce n’est pas tout d’avoir des ambitions, les moyens aussi importent.
Le recueil nous fait également voyager dans la Bretagne contemporaine, riche de son héritage folklorique : les trois histoires du « cycle loguivien » invitent le lecteur dans les légendes locales. On y évoque l’Ankou, qui, est-ce nécessaire de le rappeler est la personnification de la mort en Basse-Bretagne, légende que la tradition orale perpétue en racontant que certains arbres sont des humains transformés en feuillus. On se promène en forêt pour tomber sur une fontaine mystérieuse, contenant un être évanescent et envoûtant, mais se révélant maléfique ; ou pour rencontrer une jeune fille nue qui invite à la suivre. On croise également un Korrigan, ce genre de lutin malicieux, qui s’invite chez vous et vous donne la marche à suivre. En fin de compte, on appréciera la façon dont ces légendes ancestrales refont surface dans la Bretagne française actuelle, où le moderne se mêle au mythe – ce qui nous rappelle dans un autre registre et un autre lieu American Gods de Neil Gaiman.
L’auteur nous invite aussi sur les terres des légendes arthuriennes, avec « La tête qui crachait des dragons ». Le Roi Arthur mande Lohengrin, chevalier de la Table ronde et fils de Perceval, de retrouver Lancelot. S’ensuit une histoire passablement glauque qui fait intervenir des dragons et le secret de leur reproduction, fléau du Royaume.
Au bout du compte, Chuchoteurs du dragon et autres murmures, entre nouvelles écrites pour différentes anthologies thématiques et contes revisités aux chutes jubilatoires, imprégné de la Bretagne d’où est originaire l’auteur, prouve avec brio ce que ce dernier affirmait en introduction : en matière de fantasy, le genre et ses sous-genres se prêtent parfaitement au format de la nouvelle. Avis aux amateurs !