« La vie est parfois belle et simple comme une allée de supermarché. » (Edouard L. ( !?)).
Samedi matin, 10h34, entre mamie pousse-chariot et le tout beau tout bio, le rayon des nouveautés SF. Et là, ô surprise, Clementine de Cherie Priest, second tome du « Siècle mécanique », entamé il y a quelques mois par le mémorable Boneshaker, passablement égratigné par votre serviteur et grand vainqueur d’un Razzie pour une traduction plutôt aléatoire ! En chroniqueur curieux et attentif, d’aucuns diraient sadique, on s’approche, on jette un œil, on palpe, on scrute… Et là, Saint Jack D., étonnement, stupéfaction, ébahissement, ahurissement, effarement, éblouissement — merci à toi, dictionnaire des synonymes Word —, émerveillement, donc, changement de traducteur : aux commandes, dorénavant, Etienne Menanteau et Sandy Julien. Alors on s’inquiète, on veut en savoir plus, on feuillette… Accrochez-vous fidèles lecteurs, plus de verbes déclaratifs ou presque. Adieu les « éructa-t-il », les « pleurnicha-t-il » et autres « grommela-t-il ». Et en plus, l’objet livre est toujours aussi réussi : belle illustration d’origine de Jon Foster, marque-page intégré à la couverture, typographie et iconographie de bon goût, le tout pour 14 euros. C’est décidé, un mail au boss, ça vaut peut-être le coup de le chroniquer : « ça pourrait ressembler à de l’acharnement, et nous, on aime pas ça, l’acharnement, à Bifrost… », « oui, mais si c’est thérapeutique, chef », « oui, mais non », « non, mais oui », « bon, ok, pourquoi pas », « yes ! »… Alors on s’y colle… Yark yark yark ! Eh bien non ! Lisez plutôt… Maria « Belle » Boyd est une ancienne espionne confédérée. Bannie par son propre camp, exilée, veuve et ruinée, elle est finalement recrutée par l’agence de détectives Pinker-ton à Chicago. Commanditée par l’armée nordiste, elle devra assurer la protection du Clementine, dirigeable chargé de livrer une mystérieuse cargaison militaire à Louisville. Mais le Clementine est en fait l’ancien Corneille libre, aéronef volé au capitaine Croggon Beauregard Hainey, esclave en fuite, qu’il avait lui-même subtilisé aux confédérés. Accompagné de ses deux acolytes, Hainey n’aura qu’une obsession, se lancer à la poursuite du Clementine et récupérer son bien.
Un roman court, efficace, aux personnages attachants, aux courses-poursuites rondement menées et où la grosse artillerie a une place de choix (mention spéciale pour le Crotale, petit joujou dont tous les garçons ont rêvé). Le tout servi par une intrigue qui en vaut bien une autre et dans un rythme fort maîtrisé par l’auteur. On se surprend même à penser aux « Mystères de l’ouest ». Le duo Hainey/Boyd fonctionne bien et Cherie Priest a su rendre ses personnages charismatiques sans tomber dans la caricature. Seule retenue : avec un peu moins de 250 pages, on aurait aimé que l’auteur nous en donne un peu plus et multiplie les aventures du Clementine. Ainsi, par exemple, les personnages de la fin du roman qui arrivent un peu comme par magie et qui auraient mérités un développement plus conséquent. Quand Boneshaker affichait volontiers un rattachement au steampunk, Clementine oscille entre roman de piraterie (de l’air) et récit d’aventure. Les éditions Eclipse ont choisi de le publier dans leur collection « Science-Fiction ». Pourquoi pas. A noter, et c’est important, que le présent roman peut tout à fait se lire indépendamment du premier volet (vous voilà sauvés !). Conclusion : vive les allées de supermarché ! Naaaaann ! Si vous êtes tentés, allez plutôt chez votre petit libraire spécialisé. En tout cas, sans être le bouquin de l’année, Clementine est une lecture divertissante et une belle manière de réhabiliter Cherie Priest… en attendant la suite de la série avec Dreadnought.