Sous une surprenante couverture aux tons pastels s’offre à nous un pastiche de space opera assez jouissif, quoique peut-être pas autant qu’on nous le promet…
Tout commence dans un rade de bouseux perdu au fin fond du Texas, où tout le monde a un flingue et le sort, histoire de voir qui a le plus gros. En cet endroit ont rendez-vous la Rumeur, trafiquant d’informations, et BlackFury, chasseuse de prime, pour s’y échanger des données prothéennes – ces anciens maîtres de la galaxie. Il y a là John Hero, alias Cobrastar ou l’Orvet, pirate de l’espace et héros de toute cette pas triste histoire, un ranger de la galaxie voulant le coffrer, le Sheriff du coin, des tueurs à gages, Elijah le jeune serveur, et bien sûr Plague Snyssken à l’anagramme toute carpenterienne. Et voilà que tout d’un coup, ça défouraille de partout. Cobrastar en profite pour faire main basse sur les données et mettre les bouts en compagnie d’Elijah et de Lucy, l’IA un brin caractérielle de son vaisseau spatial. Se retrouvant de fait avec une bonne moitié de la galaxie au derche, l’autre l’attendant de pied ferme, il se réfugie sur Tartarus, Tortuga de l’espace où grouille tout ce que le cosmos compte comme pirates. Il complète son improbable équipage de BlackFury, de Bambino, un hacker géant pas mal allumé, sans oublier la sœur jumelle dudit allumé, Tiny, qui n’adore rien comme jongler avec des grenades dégoupillées, atomiques de préférence, et fait aisément passer son frère pour quelqu’un d’aussi calme que posé, ainsi que d’un toubib frappé d’un syndrome de la Tourette en mode sévère. Snyssken rejoindra la clique sur le tard en compagnie des DiscoBoys, des tueurs à gages aussi cinglés qu’il se doit qui flinguent en dansant…
Si la présentation évoque Les Gardiens de la galaxie mâtinés des Tontons flingueurs, les personnages relèvent ici davantage de la psychiatrie que de l’alcoologie. Au fin fond du désert de Tartarus, tandis que Cobrastar et Tiny massacrent plus de bestioles que Buffalo (Kill) Bill de bisons, Bambino et BlackFury les imitent avec les mutants zombies pas beaux du tout qui défendent le vaisseau de feu son père… Des scènes comme sorties de la filmographie de Quentin Tarantino : Beatrice v/s O-Ren Ishii et ses 88 sbires ou le final d’Une nuit en enfer au Titty Twister… On a même droit – entre autres – à Tito & Tarantula en guise de bande son. Vous voyez le genre.
Thomas Bois n’a malheureusement ni l’art de la formule qui fait mouche ni la maitrise subtile des mots qui chantent et enchantent. Bref, n’est ni Michel Audiard ni Frédéric Dard qui veut. Il use (abuse) d’un argot (le gaga stéphanois) agrémenté de mots de son cru plutôt que de l’argot parisien classique ou de l’actuel parler des banlieues, de telle sorte que l’on ne comprend pas selon le contexte, d’où la grosse cinquantaine de notes de bas de page, lesquelles grèvent la fluidité de la lecture censée être un atout maître de ce type de roman humoristique. Ces idiosyncrasies ne semblent en rien naturelles, comme surajoutées, plaquées sur le texte. L’effet s’atténue néanmoins dans la seconde moitié du livre, dont la lecture se fait bien plus plaisante.
Pour un coup d’essai, ce premier roman n’a rien d’un coup de maître. Mais en termes de pur divertissement n’ayant d’autre but que d’amuser la galerie de ses lecteurs et de leur procurer du plaisir, force est de constater qu’en dépit de certains défauts flagrants, le contrat est plutôt rempli.